En exergue à cette déambulation savante et richement illustrée, un aphorisme de Lichtenberg : "La surface la plus passionnante de la Terre, c’est, pour nous, celle du visage de l’homme." Il résume l’ampleur du sujet. Sa profondeur aussi. L’historien allemand, né en 1935, montre combien les visages expriment dans leurs transformations l’espèce humaine. Ils sont indissociables des masques qui en sont leurs pendants inanimés et que l’on retrouve dans les arts, au théâtre et dans les cérémonies religieuses.
Toute sa connaissance des images irrigue cet essai qui puise dans la sculpture, la peinture, la photographie, le cinéma jusqu’aux visages synthétiques issus du monde numérique. L’auteur de L’histoire de l’art est-elle finie ? (Jacqueline Chambon, 1999) examine la civilisation européenne à travers ce qu’elle a de plus fascinant, les représentations de ses identités.
Dans de brefs chapitres, très éloquents, Hans Belting aborde tous les aspects du visage dans une sorte de vaste promenade au sein de son musée imaginaire. Dans une perspective chère à Levinas qui voyait dans le visage l’expérience d’autrui, Belting en montre les métamorphoses. Jamais le visage, ou le masque qu’on veut lui faire prendre à travers les maquillages ou les retouches numériques, n’a été aussi important dans nos sociétés. Il n’est que de regarder le succès de Facebook. Dans cette multiplicité qui nourrit le dédain, il nous invite à prendre le temps de regarder les autres et à moins se contempler soi-même. L. L.