Le discours très déterminé d'Anne martelle la présidente du SLF - Photo Olivier Dion
Des Rencontres nationales de la librairie sous le signe du politique et des défis économiques
Une première journée très politique a ouvert les Rencontres nationales de la librairie 2024, organisées à Strasbourg les 16 et 17 juin par le Syndicat de la librairie française. Revenant sur les « temps d'incertitudes » que nous traversons et rappelant les valeurs de la profession, Anne Martelle a ouvert le bal sur un ton combatif, mais lucide, alors que la situation économique et financière des librairies apparaît très fragilisée. Des victoires du SLF aux enjeux écologiques, placés au cœur de cette 7e édition, tour d'horizon des sujets qui ont animé ces retrouvailles.
Météo changeante. D'un bleu estival, le ciel s'est chargé de gris au cours de la première journée des Rencontres nationales de la librairie 2024 (RNL), organisées par le Syndicat de la librairie française (SLF) les 16 et 17 juin à Strasbourg, désignée capitale mondiale du livre 2024 par l'Unesco. Cette ambivalence météorologique se retrouve au cœur de la manifestation, marquée cette année par une tonalité politique.
Du côté des embellies : la joie des libraires de se retrouver, d'abord. Pour cette 7e édition, ils sont près de 800 femmes et hommes à avoir fait le déplacement, représentant à eux seuls les deux tiers des acteurs de la chaîne du livre présents au RNL. « Un record qui confirme la place centrale de ces rencontres et notre besoin d'échanger et de nous informer », indique la présidente du SLF, Anne Martelle. La déclaration d'amour de l'autrice Fatou Diome à ses « camarades de galères et de combats » en est une autre. Tout comme la « vitalité des créations » de librairies au cours des dernières années, souligne le directeur général du Centre national du livre, Pascal Perrault.
Incertitudes écologiques et économiques
Mais derrière ces nouvelles chaleureuses, un brouillard. En premier lieu, environnemental. Avec au cœur des échanges de cette édition, l'écologie — qu'elle soit matérielle, symbolique et sociale —, comme le pointe le thème de ces RNL, « Économie, diversité, environnement : pour une écologie du métier de la librairie ». Lequel ouvre une multitude d'interrogations. « Ce qui fait récit, ce sont nos actions », assure Fanny Valembois, cofondatrice du Bureau des acclimatations. L'experte invite par exemple les libraires à s'interroger sur ce que ceux-ci auraient « à gagner de la transition écologique ». « Il faut radicalement repenser le modèle économique, estime-t-elle. Réussir à faire baisser les volumes aurait sans doute des bénéfices sur la qualité de vie au travail, sur le sens donné au métier ou encore sur les risques psycho-sociaux en librairie. »
Au-delà de cet accent mis sur la nécessaire prise en considération du changement climatique, la première journée a aussi été marquée par la présentation de l'étude sur « La situation économique et financière des librairies indépendantes » menée par Xerfi Specific. Celle-ci souligne un contexte économique très tendu pour la profession, avec toujours « des marges très réduites pour les libraires », pointe notamment Pascal Perrault.
« Loi Darcos mise à part, peu de choses ont avancé depuis les dernières RNL [organisées à Angers en 2022, NDLR] », regrette Anne Martelle. La directrice générale de la librairie Martelle à Amiens lance ainsi un appel aux maisons et aux pouvoirs publics : « N'attendez pas les fermetures et les licenciements ». « Veillons à ne pas suivre la pente d'une librairie sans libraires », assène-t-elle aussi, en référence à L'édition sans éditeurs d'André Schiffrin, publié en 1999 par Éric Hazan, décédé le 6 juin dernier, dans le catalogue de la Fabrique.
Relations interprofessionnelles
Alors, les libraires se retroussent les manches et imaginent, ensemble et dans un objectif interprofessionnel, comment améliorer leur quotidien. Au cours de l'après-midi, ils se sont par exemple réunis avec la diffusion pour poser les bases d'une meilleure relation professionnelle, notamment pour les enseignes de niveau 2 ou « librairies de proximité ». Et s'accordent à demander une meilleure qualité d'information ainsi qu'une diffusion plus adaptée.
Sandrine Gulbenkian, chargée du développement commercial du CDE pour Diffusion du Livre Madrigall (DLM) estime simplement que la diffusion parfaite est celle qui « apporte à nos clients le bon livre au bon endroit et dans les bonnes quantités ». « C'est celle qui nous apporte le maximum d'informations sans perdre un maximum de temps », complète Bénédicte Cabane, gérante des Danaïdes, à Aix-les-Bains. De son côté, la directrice des ventes chez Actes Sud Chloé Beaujouan pointe « l'importance de tenir compte de la forte identité éditoriale des nouvelles librairies de niveau 2, souvent engagées, afin de leur proposer une diffusion qui soit un peu à la carte ». Autant d'appréciations à prendre en compte pour faire « encore un effort » pour « une meilleure diffusion auprès des librairies de niveau 2 », du nom de cet atelier.
Éloge de la lenteur
« Quelle distribution dans dix ans ? », interroge un autre atelier. Cette thématique recoupe les préoccupations économiques et écologiques de la profession soumise à des injonctions contradictoires. « D'un côté, on nous annonce des jours plutôt sombres et on parle de croître, de l'autre on nous parle d'écologie et de décroître, il va falloir que les deux axes se rejoignent », pointe Isabelle Gagnon, directrice de la librairie-école La Ruche, à Maisons-Alfort. « La question des bonnes pratiques pour les libraires se pose, par exemple en regroupant les commandes ou en diminuant les retours pour avoir une empreinte carbone plus basse. Il va aussi falloir éduquer nos clients, faire l'éloge de la lenteur », poursuit-elle.
« On est obligés de faire des expériences », souligne pour sa part Régis de Villers, directeur général adjoint de Belles Lettres Diffusion Distribution, citant l'exemple de leur comptoir de vente du Kremlin-Bicêtre, accessible aux libraires franciliens, et intéressant sur le plan des emballages puisque les commandes ne sont pas conditionnées en carton. « Il y a deux ans, à Angers, j'étais avec ma consoeur et concurrente d'Interforum (Michèle Benbunan, ndlr) à débattre de qui avait les délais les plus rapides. Ce matin j'ai compris qu'il fallait qu'on ralentisse », relève Dominique Wettstein, directeur général de la distribution Madrigall, soulignant l'évolution des préoccupations, et la quête d'équilibres.
Autant de discussions à poursuivre lors d'une soirée festive au Théâtre du Maillon, suivie par la remise du Grand prix Livres Hebdo des librairies.
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Par
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