édito par Fabrice Piault, rédacteur en chef adjoint

De la saga en France de Virgin Megastore, qui ne fêtera pas cette année ses vingt-cinq ans, resteront deux images d’autant plus fortes qu’elles sont venues se superposer à celle de la « plus belle avenue du monde », où Richard Branson et Patrick Zelnik ont ouvert en 1988 leur premier magasin dans l’Hexagone.

La première, triomphante, en 1989, met en scène sur les plus grands panneaux d’affichage du pays, pour la campagne publicitaire la plus spectaculaire du moment, Anne Zamberlan. L’actrice obèse y apparaît drapée dans une toge blanche, allongée pour le grand banquet culturel promis par la chaîne. Ironie de l’histoire, la fondatrice la même année de l’association Allegro fortissimo, propagatrice en France du mouvement de la « size acceptance », mourra à seulement 48 ans d’une embolie pulmonaire, en 1999, précisément lorsque Virgin achève de manger son pain blanc.

La seconde image, pathétique et révoltante, voit, à la mi-mai, les soldes monstres organisés par la direction de l’enseigne en faillite tourner à la scène d’apocalypse : razzias dans les rayons, violences, salariés traumatisés.

Virgin en a toujours fait trop. Mais entre ces deux symboles de l’apogée et de l’effondrement d’une entreprise se lit la trajectoire contrariée du grand commerce culturel. Poussant dans ses retranchements la triste Fédération nationale d’achat des cadres, Virgin l’avait obligée à rénover ses magasins, à retrouver ses racines d’« agitateur culturel » pour échapper à la ringardise. Virgin a aussi contribué indirectement à faire entrer le design dans les grandes librairies traditionnelles, de Mollat à Dialogues et à La Galerne.

Mais cela ne l’aura pas empêché de rater le tournant du commerce en ligne, et dans la foulée du numérique. Ces derniers conduisent aussi la Fnac, après plusieurs années de quête d’un introuvable acheteur, à chercher son salut sur le marché boursier. Pour le meilleur ou pour le pire ?

11.10 2013

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