C'est un joli couple à la vie protégée mais très conscient de l'état désastreux du monde et inquiet d'une guerre inévitable qui s'annonce. Blanche et Hervé, qui se sont rencontrés étudiants, s'aiment depuis seize ans et élèvent trois jeunes enfants à Marseille. Il est traducteur d'anglais, elle est chargée de cours de philosophie politique à la fac. Chez eux, on débat de tout, on embarque les enfants aux manifs, on discute avec les amis jusqu'au bout de la nuit. La tragédie va leur tomber littéralement sur la tête : un matin, un balcon s'effondre sur la jeune femme.
À travers les mots du compagnon survivant, Quand la ville tombe décrit avec un réalisme subtil et bouleversant l'hébétude des premiers jours, le choc de la perte, le combat pour continuer à être à la hauteur de la belle vie d'avant. Le portrait de la disparue, de cette relation amoureuse pleine de complicité, se dessine par petites touches, sans idéalisation posthume. Blanche affirmait que « l'essentiel c'est vivre ». Lui aimait surligner les moments exceptionnels. Ils n'étaient pas d'accord. Ce n'était pas grave. Rien ne l'était : ils étaient ensemble. La mort de la jeune femme va éclipser une guerre sans nom, présentée comme imminente au début de l'histoire, et dont la description donne un temps l'impression d'être dans un roman d'anticipation. Pour autant, il ne s'agit pas que d'un deuil personnel et ordinaire : la chute accidentelle du balcon précède l'effondrement meurtrier des immeubles vétustes de la rue d'Aubagne dans le centre populaire de Marseille. Les drames et les responsabilités, le privé et le politique se télescopent. Guerre du passé et tragédies du présent, aussi.
Dans ce troisième roman, Didier Castino poursuit comme une sorte d'histoire des luttes de ces cinquante dernières années, par un biais intime et incarné. Du père syndicaliste, working class hero tué par l'usine dans Après le silence (Liana Levi, 2015), à la vie étudiante militante au temps de la loi Devaquet en 1986 avec Rue Monsieur-le-Prince (Liana Levi, 2017), il met en scène des engagements générationnels liés à des guerres plus ou moins lointaines, avec ses martyrs célèbres ou anonymes. Les protagonistes des histoires de Didier Castino se confrontent aux injustices révoltantes autant qu'à leur impuissance. Aux lendemains qui pleurent mais aussi à la vie qui résiste : le leg de Blanche à ceux qui restent.
Quand la ville tombe
Les Avrils
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 20 € ; 250 p.
ISBN: 9782491521608