«Toi chéri, t'as une gueule d'écrivain. » On se souvient de cette adresse restée fameuse de Françoise Verny à Yann Queffélec. Et avisant par le prisme d'un écran d'ordinateur celle de Dimitri Kantcheloff, barbe fournie, chemise de bûcheron, voix douce, un chien et un enfant non loin, ainsi que la mer et la forêt, on se prend à penser qu'on pourrait dire la même chose de lui. La suite, la conversation, sera à l'avenant.
Kantcheloff, la quarantaine affable, publie son troisième roman, le deuxième chez Finitude après un coup d'essai aux éditions Les Avrils. De son éditeur actuel, il dit : « J'ai trouvé ma maison, c'est-à-dire un endroit où on pense la littérature de la même manière que moi. » Tout le monde garde son calme est le récit vif, enlevé et sous l'influence volontiers revendiquée de Manchette, de la rencontre amoureuse et criminelle à Lyon, en 1979, de Victor Bromier, ex-VRP plutôt porté sur la bouteille, et de Corine, punkette et pasionaria gauchiste qui n'a froid ni aux yeux ni ailleurs... Entre eux, tout sera très tragique et rien ne sera grave. On s'abandonne avec délice à ce que l'éditeur définit joliment comme un « Bonnie & Clyde sous Giscard ».
C'est sa passion pour les années 1970, qu'il n'a pourtant pas connues (il est né en 1981), qui a fait naître ce livre. « Oui, il vient d'abord de mon goût pour le cinéma français de ces années-là, celui de Melville, de Corneau, de Séria, de Boisset, de Blier, en essayant d'y introduire quelque chose d'un peu moderne. [...] J'avais aussi envie de m'essayer pour la première fois à l'écriture d'une histoire d'amour. » Il reconnaît avoir été dès son plus jeune âge baigné de cette nostalgie (« peut-être un peu bébête... ») des seventies. Son adolescence est bercée par la musique de Pink Floyd et de Led Zep plus que d'aucun groupe contemporain. Fils d'un père libanais arrivé en France dans les années 1950, Dimitri passe les dix-neuf premières années de sa vie à Lyon où il est élève dans l'enseignement catholique. L'école ne lui est guère un havre au contraire du rock. « La guitare et les bières, je ne voulais que ça. » Après son départ de la capitale des Gaules, il parfait ses humanités en la matière à Londres, avant de s'inscrire dans une école de pub à Paris. Il reconnaît volontiers avoir durant les années qui suivent beaucoup fait la fête et s'être un peu perdu. Ce qui l'amène à 33 ans à tout quitter à nouveau et à s'installer à La Croix-Valmer, non loin de Saint-Tropez.
C'est là que l'écriture vient le chercher, tout comme la lecture, découverte dans ses occurrences les plus contemporaines sur le tard. Carrère, Manchette, Simenon, Echenoz surtout, seront ses modèles. Tous ceux qui comme lui ne jurent que par l'efficacité en littérature. S'il reconnaît « aimer avoir écrit bien plus que d'écrire », Dimitri ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, fourmillant de projets (un roman graphique, de la non-fiction...). À condition toutefois que le studio de répétition qu'il vient d'installer chez lui ne vienne pas détourner ce familier des tête-à-queue du bon chemin de la littérature...
Tout le monde garde son calme
Finitude
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 18 € ; 192 p.
ISBN: 9782363392213