D'un côté, il y a la mer et, de l'autre, sur les murs, Satyajit Ray, Sylvie Guillem, quelques surfeurs et un autoportrait de Didier Lockwood, comme autant de figures tutélaires. Dans cet appartement cosy de Biarritz, niché près du phare et de l'hôtel Regina, la lumière est partout. Cette « lumière du sud-ouest » qu'en voisin Roland Barthes trouvait si belle. Pas de Roland toutefois ici, mais une dame brune, fille de Paris et éprise d'horizons lointains, qui s'est souvenue il y a quatre ans qu'elle passait dans la cité basque ses vacances d'enfant.
Il y a d'ailleurs un truc d'enfance, comme une fantaisie préservée, qui se lit chez Dominique de Saint Pern, l'hôtesse des lieux. Cette enfance un peu foutraque d'une petite fille née sur la butte Montmartre, une terrible petite fille rousse du Gers aussi, qui n'aimait rien tant que les travaux agricoles dans la ferme de son oncle à Vic-Fezensac. Son père travaillait dans « la réclame », comme on disait alors. Il venait de loin, l'île Maurice, en passant par l'Angleterre. Il jouait volontiers et sa fille préférait aux joies ternes de l'école l'accompagner sur les champs de courses.
D'Istanbul à Calcutta
Tout ce petit monde avait trouvé refuge avenue Junot, au mythique hôtel Alsina, décor de L'assassin habite au 21 de Clouzot, de Baisers volés de Truffaut et des amours de Piaf avec Montand... La petite Dominique, elle, devra se « contenter » des scènes de Mary Marquet et des vocalises de Lucienne Delyle, ce qui n'est pas rien non plus.
Tout cela appelle, bien sûr, les horizons lointains. « Ce que je voulais, raconte Dominique de Saint Pern, c'était l'ailleurs. » Elle l'aura. Titulaire chanceuse d'un bac, qui en juin 68 était donné, elle s'inscrit en Langues O, apprend l'hindi et l'ourdou, puis part six mois sur les routes, d'Istanbul à Calcutta.
A son retour, elle intègre l'agence de publicité de Bernard Roux et Jacques Séguéla, puis bifurque vers la presse, l'Agence centrale de presse dans un premier temps, puis VSD. Elle y apprend avec bonheur le reportage et la joie d'écrire. Son talent de plume ne passe pas inaperçu, et bientôt ses amis Pierre Combescot et Claude Dalla Torre lui proposent de franchir le pas de la publication. Ce sera fait avec L'extravagante Dorothy Parker, premier titre d'une série de biographies romanesques consacrées à autant de personnages en marge. « Je n'ai jamais voulu écrire que sur des personnages en exil d'eux-mêmes », précise-t-elle. Il y aura donc, après la redoutable Dorothy, le couple Caresse et Harry Crosby, Karen Blixen et aujourd'hui Edmonde Charles-Roux. Là aussi, c'est une idée du regretté Pierre Combescot.
De son héroïne, Dominique de Saint Pern ne savait initialement pas grand-chose ou ce que tout le monde sait déjà : un caractère, une volonté, la séduction. Elle va plonger avec délice dans les archives et en revenir avec une fresque follement romanesque (« très vite, cela m'est apparu comme un feuilleton, une espèce de Downton Abbey à la française »), et non pas un livre, mais deux (2e tome à paraître d'ici à deux ans) ! Celui-ci se consacre à la jeunesse et à la guerre d'Edmonde, à un grand amour oublié, au fourvoiement de sa sœur, à son intrépidité aussi. Pour l'écrire, la biographe a les accents de la romancière qu'elle se refuse à être. Mais cette lectrice passionnée de Japrisot, de Carson McCullers ou de Le Clézio sait que la littérature est une fille qui n'a pas besoin d'être reconnue... On attend la suite.
Edmonde
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Tirage: 15 000 ex.
Prix: 21,50 euros
ISBN: 9782234080935