Jeudi 11 octobre, le prix Nobel de littérature a été attribué à la Britannique Doris Lessing. L'Académie suédoise récompense « la conteuse épique de l'expérience féminine, qui avec scepticisme, ardeur et une force visionnaire scrute une civilisation divisée. » Plusieurs fois citée durant les trente dernières années, elle n’accordait plus « aucune importance » au Nobel. En apprenant la nouvelle, alors qu'en 1999, elle avait refusé d'être anoblie par la reine, elle s'est dit « ravie de remporter ce prix après en avoir reçu bien d'autres en Europe. C'est un flush royal »

Un esprit libre

Née en Perse (l’actuel Iran) en 1919, ses parents émigrent en Rhodésie (l’actuel Zimbabwe). Elle s'installe à Londres en 1949, entourée de livres, de chats et d’objets africains. Dès l'année suivante, elle publie son premier roman, vaincue par la brousse, qui reçoit un succès immédiat. Travailleuse infatigable, elle a rédigé une soixantaine d’œuvres, y compris des nouvelles, des pièces, des poèmes et des essais.

En 1976, quatorze ans après sa publication en Angleterre, Le carnet d’or paraît en France chez Albin Michel, qui restera son éditeur français jusqu’à la fin des années 90. Ce livre, considéré comme un des textes phares du féminisme, a reçu le prix Médicis étranger. Icône controversée des féministes, ex-communiste, anticolonialiste, elle a toujours lutté contre tous les conformismes, revendiquant sa liberté de penser et de parler. Maniant un humour ravageur, elle sait être à la fois distante et à l’écoute, bienveillante et provocatrice, drôle et insolente.

Une manière à elle de voir le monde

Se nourrissant de sa vie pour écrire des fictions, elle en profite pour dénoncer le terrorisme, les catastrophes écologiques ou encore l’apartheid. Elle sera interdite en Afrique du sud et en Rhodésie durant de nombreuses années. Elle refuse de ne pas comprendre. « Essayer de comprendre ce qui est en jeu, c’est cela qui est passionnant pour un écrivain et qu’il faut, à chaque fois, mettre en œuvre » déclare-t-elle dans un récent entretien au Monde. Ainsi, dans son dernier livre, The Cleft (HarperCollins), paru en janvier en Grande-Bretagne, elle s’interroge sur la coexistence des hommes et des femmes. Mais c’est la première guerre mondiale qui la fascine, parce que, selon elle « c‘est là que tout a commencé. »

Pour son autobiographie en deux volumes – Dans ma peau… (1995) et La marche dans l’ombre (1998) – elle avoue s’être découverte même si, à l’origine, elle voulait surtout « apporter un contrepoint à toutes les sottises biographiques qu’on écrit le plus souvent sur les écrivains. » Là, elle comprend que ce sont les souvenirs qui sont « douteux. » Rebelle, y compris à elle-même.

Doris Lessing aura 88 ans le 22 octobre prochain. Onzième femme à avoir reçu le prix Nobel de littérature, elle en est aussi la lauréate la plus âgée. Le prix est doté d'une récompense de 1, 08 million d'euros. _____________________

- site officiel : http://www.dorislessing.org/

- Diffusion sur Arte de 'Doris Lessing, ma vie', un entretien de l'écrivaine réalisé par la ZDF en 2001.(dimanche 14 octobre à 14h55 et le 20 octobre à 1h30)

- voir aussi blog de Christian Sauvage : http://www.livreshebdo.fr/weblog/webLogText.aspx?id=15&idTxt=199

- Doris Lessing, à nouveau disponible (article dans LH 706, 19 octobre 2007)

Doris Lessing : Un enfant de l'amour (Flammarion)

Doris Lessing : Le Carnet d'or (Albin Michel)