0 false 21 18 pt 18 pt 0 0 false false false /* Style Definitions */ table.MsoNormalTable {mso-style-name:"Tableau Normal"; mso-tstyle-rowband-size:0; mso-tstyle-colband-size:0; mso-style-noshow:yes; mso-style-parent:""; mso-padding-alt:0cm 5.4pt 0cm 5.4pt; mso-para-margin:0cm; mso-para-margin-bottom:.0001pt; mso-pagination:widow-orphan; font-size:12.0pt; font-family:"Times New Roman"; mso-ascii-font-family:Cambria; mso-ascii-theme-font:minor-latin; mso-hansi-font-family:Cambria; mso-hansi-theme-font:minor-latin; mso-bidi-font-family:"Times New Roman"; mso-bidi-theme-font:minor-bidi;} D’UN CHATEAU L’AUTRE Deux récents procès, concernant chacun l’image d’un château, permettent de façonner les contours, souvent mouvants, de ce que l’on peut appeler « le droit à l’image des biens ». Le droit de propriété, défini à l'article 544 du Code civil, est le fondement juridique à partir duquel la jurisprudence s’est originellement construite. Cet article dispose que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements ». C’est surtout l’arrêt de la Cour de cassation, rendu le 10 mars 1999, qui est considéré comme la consécration, au plus haut sommet judiciaire, du droit à l’image des biens : « L’exploitation du bien sous la forme de photographies porte atteinte au droit de jouissance du propriétaire ». Mais cette même juridiction a anéanti en 2004 les revendications croissantes de propriétaires de demeures, îlots ou encore de bateaux en indiquant que « le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci ; il peut toutefois s’opposer à l’utilisation par un tiers lorsqu’elle lui cause un trouble anormal ». En ce cas, l’action repose sur l’article 1383 du Code civil relatif à la très classique responsabilité civile. Le 28 juin dernier, la Cour de cassation a livré son sentiment à l’occasion d‘un contentieux sur l’image du château de Mareuil, utilisée par deux vignobles concurrents. Et elle a considéré que l’utilisation de l’image d’une propriété par un concurrent causait au propriétaire un préjudice. En revanche, le Tribunal administratif d’Orléans a, le 6 mars 2012, rendu une décision plus nuancée dans un litige concernant l’image du château de Chambord. Le directeur général du domaine national de Chambord avait en effet facturé une entreprise commerciale, à la suite de l’utilisation d’une image du château, pour « occupation du domaine public », ledit domaine public étant ici entendu au sens du droit administratif (et non du droit d’auteur). En clair, l’administration considérait que l’image du château lui appartenait, tout comme le château lui-même. Or, les juges estiment que « l’image de la chose ne saurait être assimilée à la chose elle-même, ni aux droits attachés à la propriété de cette chose. La photographie d’un bien du domaine public immobilier, qui n’est, par elle-même, affectée ni à l’usage direct du public, ni à un service public et ne constitue pas un accessoire indissociable de ce bien, ne constitue pas un bien du domaine public. Par suite, l’utilisation par un tiers de cette photographie ne s’analyse ni comme une occupation, ni comme une utilisation du domaine public susceptible de donner lieu au paiement d‘une redevance ». La ligne de partage semble désormais claire. Il faut toutefois rappeler que les musées ou certains collectionneurs monnayent une sorte de « droit d’accès » à leur propriété. Depuis bien longtemps, la jurisprudence sanctionne ainsi déjà certaines atteintes au droit à l’image des biens, notamment lorsque l’auteur de l’image a violé les conditions posées par le propriétaire et acceptées par lui. Le peintre Bernard Buffet a été condamné pour avoir vendu un tableau représentant un château, acte par lequel il a «méconnu les conditions auxquelles était subordonné le droit de pénétrer dans la propriété privée », qui figuraient « sur le billet d’entrée et auxquelles il avait implicitement mais nécessairement adhéré ». L’artiste ne pouvait donc ignorer « la volonté du propriétaire de réserver son autorisation pour toute utilisation de l’image de son château sous une forme quelconque dans l’intention d’en obtenir un avantage pécuniaire ». Les propriétaires de biens mobiliers négocient parfois en plus de ce droit d'accès un véritable droit d’auteur sur les clichés de leurs biens quand ils les ont réalisés ou fait réaliser par leurs propres photographes. Un droit à l’image ainsi qu’un droit d’auteur s’appliquent ainsi alors même que l’œuvre initiale (tableau, sculpture, etc.) appartient au « domaine public » (au sens, cette fois, du droit d’auteur). Quant aux procès intentés par des architectes sur l’image de leurs créations, il s’agit en réalité non pas de l’exercice d’un droit à l’image mais bel et bien de l’exercice d’un droit d’auteur. Le Code de la propriété intellectuelle dispose en effet en son article L. 112-2 que sont considérées « comme œuvres de l'esprit au sens du présent code (...) les œuvres de dessin, de peinture, d'architecture ». Il est en pratique assez fréquent que l’administration ne se soit pas fait céder par un architecte le droit d’exploitation de l’image du bâtiment commandé. C’est pourquoi les auteurs de célèbres monuments peuvent agir en justice contre les éditeurs de cartes postales ou de livres qui ne leur demandent pas d’autorisation. Les droits des architectes sont parfois gérés par l'A.D.A.G.P. (Association de Défense des Arts Graphiques et Plastiques). C’est elle qui conclut les autorisations, prélève les redevances et agit éventuellement en justice. Le droit au respect du nom, qui est un des attributs du droit moral des créateurs, impose par ailleurs de mentionner le patronyme de l’architecte sur toute reproduction de son œuvre. Il en est ainsi selon la jurisprudence, même si la reproduction n’appelle pas nécessairement d’autorisation de la part de l’architecte. La jurisprudence dénie toutefois un droit d’auteur aux architectes quand la reproduction de leur œuvre est fondue dans un plus vaste panorama. Il en a été jugé ainsi par la Cour de cassation, le 4 juillet 1995. Il s’agit là d’une création jurisprudentielle, la loi ne comportant nullement une telle exception (des modifications apportées en 2006 au Code de la propriété intellectuelle ne concernent que la presse). Les juridictions exigent une seule condition pour que la reproduction sans autorisation – par photographie notamment – ne soit pas répréhensible : l’œuvre reproduite ne peut être le sujet principal de la reproduction. En pratique, cela implique que l’œuvre reproduite ne puisse être qu’une annexe d’un autre sujet : cérémoni e , vue d’ensemble, etc., dont ferait simplement partie l’œuvre protégée.