4 septembre > Roman Allemagne

« Question de volonté » : dès le début de Décompression, le cinquième roman traduit en français de Juli Zeh, cette injonction écrite en allemand sur l’asphalte d’une route de Lanzarote installe une curieuse menace… On sait, depuis La fille sans qualités, la conteuse implacable qu’est la romancière allemande également essayiste, son goût pour l’analyse des relations troubles et des jeux pervers. A ce talent affûté, elle ajoute ici une dimension de thriller pour offrir un polar efficace sur lequel plane le fantôme de Patricia Highsmith.

A la fin de ses études de juriste, Sven a quitté l’Allemagne pour les Canaries où il est depuis moniteur de plongée. Il forme une association avec sa voisine d’enfance Antje, devenue petite amie et soutien logistique. «J’avais décidé d’appeler “amour? le fonctionnement pérenne d’une camaraderie. » En ce mois de novembre, à quelques jours de ses 40 ans qu’il veut fêter en solitaire près d’une épave à 100 mètres de fond, le moniteur de plongée accueille un couple de people berlinois : pour 14 000 euros, il est à leur disposition pour un programme de plongée et de tourisme. Mais Théo l’écrivain et Jola, sa jeune et jolie, riche et célèbre compagne, actrice dans une série télévisée, venue préparer le rôle d’une pionnière de la plongée féminine censé donner un nouveau souffle à sa carrière, vont ébranler la vie de l’exilé volontaire. Tout à son « aversion pour les jugements », le moniteur de plongée tente bien de rester à l’écart des joutes sado-maso et des provocations du couple, se retranchant derrière les règlements et les protocoles. Mais il résiste de plus en plus mal à l’attraction de type inconnu qu’exerce sur lui la capricieuse Jola.

Aux éléments classiques du huis clos au soleil - la beauté vénéneuse, l’artiste en panne d’inspiration, le droit instructeur de plongée un peu naïf, l’île au décor sauvage et dangereux… -, que Juli Zeh traite avec son mordant habituel, viennent s’intercaler scènes de plongée qui prolongent ses sensations ambiguës d’oppression et de liberté. «Sous l’eau, les relations étaient simples, les besoins évidents et les réactions radicales. » Qui manipule qui ? Le lecteur baladé entre la version de Sven, narrateur de l’histoire, et celle que Jola consigne dans un journal trouvera une réponse à la toute fin. Mais il aura aussi tout le loisir de méditer sur des questions plus ouvertes : qui a vraiment la main sur ses choix de vie ? Peut-on jamais s’extraire ? Véronique Rossignol

11.10 2013

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