Enrique Vila-Matas ne souffle jamais. Après Chet Baker pense à son art (Mercure de France, 2011), le revoici en très grande forme avec Air de Dylan, qui est de toute évidence l'une de ses plus grandes réussites. On ne sera pas étonné de savoir que le narrateur est un écrivain. Celui-ci affirme être entré très tard dans le "théâtre de la vie". Un jour, il est invité par l'université de Saint-Gall, en Suisse, à un colloque littéraire sur l'"Echec".
La lettre est signée par un professeur de mathématiques local, un certain Echèk, ce qui signifie "ratage" en créole haïtien. Sur place, l'écrivain croise un certain Vilnius Lancastre aux faux airs de Bob Dylan. Un jeune homme qui a tourné un court-métrage, a travaillé dans la publicité et s'occupe d'archives. Lancastre aspire à devenir comme Oblomov, "personnage radicalement cossard d'un roman russe, paradigme du ne-rien-faire". A Saint-Gall, il vient lire le récit qu'il a écrit en quatre nuits.
C'est un "Théâtre-réalité" parlant de faits réels et très récents de sa propre existence, d'un père qu'il a toujours haï. Une nouvelle sur ce qui lui est arrivé juste après la mort de son géniteur, "tentative de lâcher du lest et de jeter son drame personnel par-dessus la première rambarde venue, tentative d'évacuer ou du moins de panser sa tragédie privée". Et aussi une manière de faire "une démonstration publique complète et exemplaire de la façon dont on échoue pleinement et pour de bon".
On y entendra parler du Francis Scott Fitzgerald scénariste ; de la mère de Lancastre, femme aux très beaux yeux verts avec laquelle il se dispute ; de Claudio Aristides Maxwell, lecteur de Dickens et fin connaisseur de l'âge d'or d'Hollywood... Brillant et surprenant, Air de Dylan est, selon l'auteur, son livre le plus romanesque et une réinvention de son univers. On y retrouve, amplifiés, ses obsessions, son oeil et son intelligence. Sa manière inimitable de célébrer la littérature tout en en faisant.