La 61ème édition de la Foire du livre de Jeunesse de Bologne a ouvert ses portes lundi 8 avril et se poursuit jusqu'à jeudi. La première journée, dense aussi bien en termes de visiteurs professionnels que de rencontres, a lancé la grand-messe annuelle du rendez-vous des éditeurs jeunesse. La Directrice de la Foire, Elena Pasoli, et l'ancienne Directrice de la Foire de Londres qui développe à Bologne depuis trois ans un espace dédié à la littérature générale, le BolognaBookPlus Programm, ont reçu Livres Hebdo entre deux évènements institutionnels.
Livres Hebdo : Une étude révèle une baisse importante de la lecture chez les jeunes français au profit des écrans. Est-ce un constat que l'on perçoit ailleurs et comment la Foire de Bologne peut embrasser la lutte contre cette baisse d'intérêt du jeune public ?
Elena Pasoli : La Foire reste un rendez-vous pour les professionnels et nous développons hors les murs une programmation dans la ville et la région à destination du grand public. En Italie, nous constatons qu’en proportion les jeunes lisent plus que les adultes. Depuis la pandémie, la population de lecteurs s’est élargie et les chiffres nous montrent que cela ne baisse pas. La communication sur les réseaux comme Tiktok porte ses fruits sur les ventes.
Jacks Thomas : Une foire est le reflet d’un marché. Et que nous montre cette 61ᵉ édition de la BCBF ? Qu’il y a un dynamisme dans la littérature jeunesse avec de plus en plus d’illustrateurs qui viennent, mais également des agents et des chargés de droits : nous avons dépassé les 200 tables au Centre des droits alors que nous étions autour de 130 avant la pandémie.
« Beaucoup voit un futur dans l’industrie du livre jeunesse »
Pourtant, le taux de natalité s’effondre dans certains pays développés, les coûts de fabrication explosent… Ce n’est pas une conjoncture porteuse pour la littérature jeunesse.
EP : De notre côté, tous les voyants sont au vert : le nombre d’exposants, de pays représentés et de personnes souhaitant faire du business à Bologne a considérablement augmenté depuis la période prépandémique. Cela montre que beaucoup voit un futur dans l’industrie du livre jeunesse. La natalité baisse en Europe ? Regardons vers l’Afrique, l’Inde, il y a tant de choses à faire. Nous développons énormément de programmes autour de ces marchés.
JT : Et nous sommes en train d’aider au développement de la filière en Afrique depuis quelques années. Au début, nous avons offert une place à des éditeurs du continent, ensuite, nous avons réalisé des expositions autour de leurs créations. Aujourd’hui, nous créons des sessions de formation sur les échanges de droits, les illustrations et tous les métiers de l’édition pour leur permettre de se mettre au niveau international.
« La tendance est dans les livres jeunesse sur le réel »
L’Intelligence artificielle, bien qu’abordé dans certaines conférences de la Foire de Bologne, n’est pas aussi présente qu’à la dernière Foire de Francfort. Est-ce à dire que les professionnels de la littérature jeunesse s’en préoccupent moins que les généralistes ?
JT : L’IA affecte l’ensemble de la chaine éditoriale, mais de manière différente. Je pense que pour l’édition académique et les Sciences et techniques médicales, par exemple, elle est utilisée comme un outil. Pour la science, c’est une opportunité, pour l’industrie créative, c’est un défi ! Mais pour la filière, tout est un défi et ce qui est pertinent dans les foires c’est que l'on peut discuter des problèmes, partager nos points de vue et à la fin de la journée, on ressort plus intelligent.
Quelles sont les tendances qui se dégagent de cette 61ᵉ édition ?
EP : Ce que l'on remarque, c'est que les livres pour 0 à 3 ans sont un vrai champ d’investissements pour les éditeurs avec des objets magnifiques qui coutent cher à fabriquer. Les livres sur le développement durable semblent aussi avoir la cote. Dès l’année prochaine, nous proposerons un prix sur cette thématique importante. Autre tendance intéressante cette année : l’émergence de livres autour de la paix, alors que l'année dernière des titres sur la guerre étaient en vogue… Aussi, je remarque une augmentation des titres sur les relations intergénérationnelles, avec les grands-parents notamment… En somme, la tendance est dans les livres jeunesse sur le réel !