La haine en climat tempéré. Antoine et Margaux. C'est joli. Très français. Comme le titre d'un film oublié de Jacques Becker. Ça vous a un air de beaux quartiers aussi, de dimanche chez les beaux-parents et d'enfants qui se chamaillent dans le jardin. Et de fait, Antoine et Margaux, des enfants, ils en ont deux, Maxime et Emma (ce qui est aussi tout à fait charmant). Quant au statut social, ils ne sont pas à plaindre non plus, lui chirurgien, elle romancière. Et pourtant, la guerre... Antoine et Margaux Maurepas se sont peut-être aimés, ils se haïssent désormais et déclinent leur réciproque détestation à l'envi, auprès de qui est disposé à l'entendre et en premier lieu, puisque divorce il y a, auprès d'une juge aux affaires familiales.
Ces deux êtres antagonistes, totalement abandonnés à leur haine, sont les tristes héros de Divorce à la française, le nouveau roman d'Éliette Abécassis. La romancière, dont la prodigalité n'est plus à démontrer, a deux sujets de prédilection, ou plutôt, deux obsessions (de celles qui font un écrivain). La judéité − avec la transmission, les exils − et le couple − avec ses avanies, ses transfigurations. C'est bien sûr vers celui-ci qu'elle porte à nouveau le stylo dans la plaie. Divorce à la française est un roman choral. La romancière y fait défiler à la barre du tribunal, ou témoigner par écrit, non seulement les ex-époux dont la lecture des faits qui mènent à leur séparation est bien entendu parfaitement contradictoire, mais aussi ceux qui en furent les témoins plus ou moins actifs. Parents et beaux-parents, amis, amant, l'éditeur de l'une, la comptable de l'autre... Tous voient minuit, la trahison, le mensonge, à leur porte. Le récit de chacun des deux requérants semble incontestable. Margaux, autrice de thrillers, ce qui n'arrange guère son cas, est après tout, peut-être folle. Antoine est-il le pervers manipulateur et violent, à la blessure narcissique béante, que dénonce son ex-femme ? En attendant, les enfants comptent les points et les balles perdues... Éliette Abécassis mène son affaire avec une vraie virtuosité romanesque et une rage assez troublante. Elle fait peu à peu tomber tous les faux-semblants de la bienséance et c'est la société tout entière qui en prend pour son grade. Le roman est noir, très noir. Nul ne sortira d'ici vivant.
Divorce à la française
Grasset
Tirage: 11 000 ex.
Prix: 20,90 € ; 288 p.
ISBN: 9782246836445