11 mai > Essai Etats-Unis-Iran

Azar Nafisi s’était fait connaître avec le best-seller Lire Lolita à Téhéran (Plon, 2004, repris chez 10/18), où elle racontait le quotidien d’une femme éprise de liberté et de littérature en République islamique d’Iran. L’auteure, qui enseignait les lettres modernes à l’université, voyant de plus en plus d’ouvrages censurés par le régime des ayatollahs, organisa des cours clandestins. Dans La République de l’imagination, l’écrivaine d’origine iranienne installée aux Etats-Unis depuis 1997 revient sur ses amours littéraires américaines : le père du picaresque Hucklebery Finn, Mark Twain ; le satiriste de la classe moyenne et l’inventeur de Monsieur Tout-le-monde made in USA avec Babbitt, Sinclair Lewis ; la nouvelliste de la solitude Carson McCullers et le romancier noir et gay James Baldwin. A la manière de Deleuze, qui fit l’éloge des lignes de fuite de la littérature anglo-saxonne, Azar Nafisi chante le génie de la liberté de la fiction nord-américaine à travers ses auteurs de prédilection. Cette façon de casser le conformisme du classicisme académique aussi bien en réinventant le parler vernaculaire qu’en ouvrant des brèches dans les situations banales du quotidien grâce à l’intériorité des personnages. L’auteur américain est un éternel migrant. Pionnier, il est en état d’errance. Et Nafisi de citer cette réflexion de Carson McCullers : "Les êtres humains sont toujours seuls. Mais il me semble parfois que les Américains sont les plus seuls de tous. Nous avons à tel point faim d’autres lieux, d’autres manières d’être, que c’en est presque une maladie nationale." C’est que le chemin de la liberté qu’indique la fiction outre-Atlantique est borné de manière plus marquante qu’ailleurs par cette "insatisfaction constante, ce questionnement sans fin, ce combat entre le désir de prospérité, de statut social et de succès et le besoin de s’en écarter, […] de réaliser le miracle du jeune vagabond Huck, qui suit son cœur en naviguant sur un radeau le long du Mississippi." Pour qui l’eût oublié, cette République de l’imagination le rappelle avec brio. Sean J. Rose

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