Le savoir doit-il être utile ? Répondre à cette question suppose de définir ce que l'on entend par utile. Généralement, derrière l'adjectif se cachent les notions de profit, de rentabilité et d'applications industrielles. Bref, en un mot, de l'argent. Nuccio Ordine n'est pas de cet avis. Grand spécialiste de Giordano Bruno, il enseigne la littérature italienne dans diverses universités européennes. Il dirige également, avec Yves Hersant, plusieurs collections aux éditions des Belles Lettres. Il est donc particulièrement bien placé pour parler des humanités aujourd'hui contestées car ne répondant plus à une demande politique, économique et sociale. Face à cette position, il défend "l'utile inutilité de la littérature".
Dans cet essai, qui convoque les philosophes et les écrivains de Platon à Heidegger, de Boccace à George Steiner, Nuccio Ordine fait l'éloge de l'inutilité. Dans le domaine des sciences, il est rejoint par Abraham Flexner (1866-1959), qui a piloté le prestigieux Institute for Advanced Study de Princeton. Son article, publié dans Harper's Magazine en 1939 - jamais traduit en français -, explique "l'utilité du savoir inutile". Il rappelle combien d'avancées déterminantes pour les civilisations ont été faites d'abord pour le plaisir de comprendre, sans rechercher une application et des bénéfices juteux.
Voici donc un petit essai très dense qui laisse de quoi méditer pour 2013 sur la gratuité de la culture, les difficultés de la librairie traditionnelle et de l'édition d'érudition. Avec en prime une jolie maxime piquée dans une bibliothèque perdue dans le Sahara : "La connaissance est une richesse qu'on peut donner sans s'appauvrir."