Je vous passe ma déception de n’avoir pas pu signer au Salon du livre de Paris. J’étais programmé en plein pendant l’évacuation. Pour cause d’alerte à la bombe. En voilà un bon timing. C’est tout mon public qui a dû être déçu, je sais. Enfin, j’espère que j’avais des visites prévues. Si ça se trouve, cette alerte à la bombe m’a évité l’immense désillusion d’une signature sans la moindre femme dépressive de 42 ans. J’ai fait deux rencontres ces derniers jours. On peut difficilement faire plus différent. C’est le grand écart absolu. La première eut lieu au collège Maurice Thorez de Stains, dans le cadre d’une opération menée par le ministère de l’Education Nationale et baptisée « A l’école des écrivains ». Il s’agit pour des écrivains d’aller rencontrer, à plusieurs reprises, des collégiens dans des établissements en zone sensible. C’était le cas du mien. Surtout qu’il était en grève. Les parents en bloquaient l’entrée. Pour ma venue, ils firent une exception. Il y avait des laissez-passer pour moi. Drôle de situation. La rencontre s’est déroulée dans un collège vide. J’ai aimé ces élèves drôles et pleins de vie. À part qu’ils m’ont trouvé une ressemblance avec Christophe Willem, dit La Tortue. Heureusement ils se sont rattrapés en précisant : « surtout au niveau du pull ». C’est vrai que d’un point de vue pull, nous nous ressemblons. Le lendemain, j’étais chez Monsieur Dutourd qui vit à côté de l’Académie Française. C’est pratique. Je vis en face d’un Monoprix. C’est pratique aussi. Il m’a montré des photos où il était avec Aragon, des mots de Giono, m’a raconté une rencontre avec Truman Capote. Que pouvais-je dire ? Que je connaissais bien Serge Joncour ? Pour son premier roman, inspiré par l’un de mes livres cultes ( Le Paysan de Paris ), il a même reçu un mot de Thomas Mann. D’autres photos encore avec sa femme, dans leur jeunesse. C’était vraiment un moment émouvant. Quand j’aurai son âge, j’aimerais rencontrer un écrivain né en 2024. Dans les années 50, après trois ans à Londres, il a travaillé chez Gallimard. Pierre Assouline raconte une anecdote dans sa biographie sur l’éditeur. Dutourd a dit à Gaston : « vous n’auriez pas une place, même de balayeur ? » C’est une maison qu’il connaît bien. Il en parle donc en restant silencieux. Enfin, je dis ça. C’est surtout valable pour moi. Je parle sûrement trop parfois. Il y a comme une bataille navale en moi. Comprenne qui pourra. Jean Dutourd m’a parlé de certains livres. La paresseuse de Patrick Besson. Tiens, j’ai trouvé chez un bouquiniste un livre de Besson, Salade Russe , publié chez Olivier Orban en 1987. À cette époque, Jean Dutourd avait 67 ans. C’est un recueil de petits textes. Une histoire : un écrivain publie le seul livre de la rentrée littéraire ! Tout le monde se l’arrache, les lecteurs, et les émissions de télé. Il rafle le prix Goncourt, le Femina, le Médicis, le Renaudot, etc… Et finalement, il est tiré de son rêve par un coup de fil de son éditeur qui lui propose de publier plutôt en janvier devant l’encombrement de septembre. Très drôle. Et d’actualité aussi pour moi. Je publie mon roman finalement vers le 20 septembre, juste après les embouteillages. Mon côté Bison Futé. Mais souvent, il ne se passe pas grand-chose le lundi sur l’autoroute.