Etat d'ivresse, c'est la soûlerie permanente à laquelle s'abandonne la narratrice dans ce monologue d'alcoolique. On ne sait comment ni pourquoi elle a commencé à boire, le roman, le troisième de Denis Michelis, ne le dit pas. Il se plonge dans les pensées éthyliques d'une femme qui a tous les attributs de la normalité sociale (une maison en bord de forêt, un métier, un mari, un fils de 17 ans...), et qui se noie. Une famille ordinaire mais où Maman, journaliste pour un magazine de psychologie, boit pendant que Papa est en voyage d'affaires, et le fils trinque. Lui qui affronte en première ligne cette mère aux humeurs instables, ses dénis de réalité et ses délires de persécution. Cette mère, entre fausse dissimulation et vraie amnésie, qui ne cesse de promettre et de mentir, prétendant par exemple que son fils a eu un accident pour emprunter la voiture de la voisine et aller chercher sa drogue liquide au supermarché du coin, qui transvase le vin blanc dans des bouteilles de lait, boit la fiole de rhum pour la pâtisserie ou stocke « les mignonettes qu'on peut cacher presque n'importe où ». Cette femme désorientée et violente, aussi alarmante pour elle-même que pour ses proches à bout, tous devenus, dans sa conscience avinée, des étrangers, voire des ennemis. Véronique Rossignol