Pour Jorge Herralde, fondateur de l’emblématique maison espagnole Anagrama, la rentrée littéraire française a quelque chose de sacré. "Cette tradition me paraît immuable et les professionnels du livre semblent avoir bien assimilé le concept d’embouteillage littéraire", confie avec humour l’éditeur. Pour lui, ce phénomène est constitutif du marché hexagonal. "La rentrée est une spécificité française, indissociable des récompenses littéraires importantes à gagner", continue Jorge Herralde qui se dit très sensible au calendrier des prix décernés chaque automne en France. Selon lui, c’est un outil précieux : elle permet aux éditeurs étrangers de prendre le pouls de la création française et de repérer les tendances. C’est aussi l’occasion de se faire une idée précise de la production des grandes maisons littéraires comme des petits éditeurs indépendants. "Dans ce sens, je lis la presse professionnelle française pour m’informer sur tous les livres qui vont sortir pendant cette période", explique l’éditeur.

Francophile, Jorge Herralde a institutionnalisé sa propre rentrée littéraire en Espagne. Cela débute à la fin des années 1990 par un lancement médiatisé de la "british dream team" de la maison barcelonaise (Amis, Barnes, McEwan, Ishiguro, Kureishi). Puis, en 2000, Anagrama met en place une "rentrée française" avec la publication simultanée de romans de Jean Echenoz, Amélie Nothomb, Yasmina Reza, Emmanuel Carrère, Jean-Pierre Vernant, Michel Houellebecq, Guy Debord et Laure Adler. "Depuis, on commence très fort dès les premiers jours de septembre. Peu à peu, le mimétisme est devenu habituel. Désormais septembre n’est plus un désert de nouveautés !" s’enthousiasme Jorge Herralde.

Pour cet automne, la rentrée littéraire qu’Anagrama organise désormais annuellement a programmé de nombreux titres français, pour la plupart parus dans l’Hexagone en 2015, tels D’après une histoire vraie de Delphine de Vigan, La triomphante de Teresa Cremisi, A ce stade de la nuit de Maylis de Kerangal ou De la légèreté de Gilles Lipovetsky. Anagrama a retenu, "évidemment et comme toujours", un roman d’Amélie Nothomb, Le crime du comte Neville. Elle le publiera courant 2017, aux côtés d’autres titres puisés dans la rentrée française. Un événement au goût particulier pour Jorge Herralde, qui cédera les rênes de sa prestigieuse maison à l’éditrice Silvia Sesé en janvier 2017 dans le cadre du rachat d’Anagrama à 99 % en janvier 2016. Jorge Herralde reste actionnaire à 1 % de la maison qu’il a fondée en 1969. S’il en quitte la direction éditoriale en janvier, il restera président du conseil d’administration. M. M.

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