À peine un an après son entrée tonitruante dans le marché du livre audio en Australie, au Royaume-Uni, au Canada et aux États-Unis, Spotify a doublé la croissance du marché dans ce dernier pays au 4ᵉ trimestre 2023, selon l’institut Bookstat, qui estime l’augmentation à 28% avec tous les acteurs dans cette période et 14% sans la firme Suédoise.
Une nouvelle offre
Cette performance est liée au lancement d’une offre à l’automne dernier à destination des abonnés payants de Spotify, leur permettant une écoute de 15h par mois de livre audio. Les audiolecteurs abonnés ont accès gratuitement à 250 000 titres, contre plus de 300 000 disponibles sur la plateforme depuis fin 2022, à l’achat à l’acte.
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« En deux mois, 100 000 titres ont déjà été écoutés », s’est enorgueilli Duncan Bruce, le directeur des partenariats pour le Livre Audio de Spotify, jeudi 7 mars. Le britannique s’exprimait lors d’une conférence digitale sur le Livre audio, « All About Audio », organisée par Bookwire, le diffuseur digital de livres d’origine allemande, à destination des professionnels français de l’édition.
Duncun Bruce a vanté les mérites du nouveau service de sa plateforme-qui n’est pas encore accessible en France-, dont le « puissant algorithme permet de connaitre mieux que lui-même les goûts du consommateur » et d’ainsi proposer des titres que l’utilisateur n’aurait pas forcément repérés tout seul.
Fluidité des liens promotionnels
Nonobstant cette diversité revendiquée, le plus gros succès de la plateforme tous marchés confondus reste l’autobiographie de Britney Spears, The Woman in Me (La Femme en moi, édité en France par Lattès). « Nous avons pu cibler les auditeurs de Britney sur la plateforme musicale », explique l’ancien directeur commercial digital de Penguin Random House, louant également la fluidité des liens promotionnels entre les Podcasts diffusant des interviews d’auteurs et leurs titres, ainsi que la capacité de Spotify à « fournir des données aux éditeurs sur leurs utilisateurs ».
Une opération séduction qui a fonctionné auprès des éditeurs américains. Nombre d’entre eux, dont les plus gros, ont donc noué un partenariat avec la firme permettant cette offre lancée en fin d’année, et dont le départ semble réussi du point de vue du marché.
En utilisant les chiffres fournis par Spotify, Bookstat a estimé que la firme suédoise détenait une part de marché de 11 % aux États-Unis, ce qui la place devant Apple et derrière Audible, qui reste de loin l'acteur dominant dans le média. « Cela démontre qu'ils ont développé le marché plutôt que cannibalisé les clients existants d’Audible et Apple », a déclaré Paul Abbassi, le fondateur de Bookstat, au New-York Times fin janvier.
Un catalogue limité en France
Un marché du livre audio très florissant estimé à 1,8 milliard de dollars (1,64 milliard d’euros), loin devant celui, très disparate, de l’Union européenne, estimé à 1 milliard d’euros, selon des chiffres présentés par Bookwire.
En France, il n'y a pas de données consolidées du marché de l'audio. Le Syndicat national de l’édition (SNE) a lancé une enquête statistique pour intégrer ce marché à ses données annuelles sur le marché de l'édition mais lors de la précédente campagne les retours n'ont pas été suffisants pour en tirer des conclusions. Lors de la conférence, Bookwire a évoqué une croissance du marché du livre audio à 11% depuis 2018, dont « les deux tiers des ventes se font sur Audible », selon Mariana Féged, directrice des marchés espagnols, français et du Moyen-Orient.
Pour Laure Saget, présidente de la commission du livre audio au SNE et directrice d’Audiolib, filiale d’Hachette et Albin Michel, « la France est la Sleeping Beauty (Belle au bois dormant, ndlr) de l’Europe » avec de nombreux défis à relever, au premier rang desquels celui de la production. Avec 19 000 titres en audio, l’offre est bien moindre en Hexagone qu’en Allemagne, qui compte 85 000 titres audio et où le marché se développe déjà moins vite qu’en Scandinavie ou au Royaume-Uni, fort de ses 850 000 titres au catalogue…
De bonnes nouvelles pour les acteurs de l’audio
Néanmoins, les acteurs français prennent des initiatives, à l’instar de Lizzie, la filiale audio d’Editis, qui s’est affichée pour la première fois dans le métro parisien en janvier, lors d’une campagne de pub inédite. Sa dirigeante, Liza Faja, sent le vent s’accélérer dans le dos du livre audio : « les auteurs sont de plus en plus attentifs à la version audio de leur titre », remarque-t-elle.
Dans un marché « très cloisonné » où le cout de production d’un titre est en moyenne entre 6 000€ et 7 000€, Virginie Lancia, qui a lancé Charleston Audio au sein des éditions Leduc (Albin Michel), évoque « la rentabilité d’un titre à au moins trois ans ». La bonne nouvelle, c’est qu’un « audiolecteur a en moyenne 10 ans de moins qu’un lecteur », rassure Mathilde Davignon, d’Ecoutez Lire (Madrigall). Et elle n’arrive pas toute seule : « tous les acteurs de l’audio ont des opportunités à trouver dans l’IA », conclue Constance Parpoil, de Storytel.