Si la première édition d'Etonnants voyageurs en Haïti avait surtout été un succès de diplomatie culturelle, cette troisième édition - la deuxième ayant été annulée en raison du séisme de janvier 2010 - marque l'appropriation par la population de l'événement littéraire.
Le regroupement des lieux du festival en plein centre ville ainsi que la massive campagne de communication dans les médias locaux, en amont, ont porté leur fruit. Chaque débat ou lecture du festival a été suivi par une centaine de personnes, dont beaucoup de jeunes, assis au premier rang, le manuscrit d'un premier recueil de poésie sous le bras, venus prendre conseil auprès d'un « auteur professionnel ». « C'est pour eux que nous faisons ce festival, a affirmé l'écrivain Dany Laferrière, codirecteur de la manifestation. Pour leur montrer que même s'ils se sentent seuls dans leur écriture, isolés sur cette île, ils peuvent rencontrer des écrivains du monde entier. »
L'accueil dans les écoles étaient dignes de l'entrée des joueurs dans un stade de foot, les élèves piétinant, applaudissant et chantant. Léonora Miano, au lycée Saint-Louis de Gonzague, a été couverte de cadeaux, de nombreux portraits réalisés par les jeunes, et coursée par une horde de lycéens en uniforme réclamant un autographe. Autre marque de l'implantation réussie du festival auprès des haïtiens, il n'a pas été rare que les débats initiés en français se terminent en créole sous le feu des questions des festivaliers.
"C'est à l'intérieur d'un peuple que se dessine son avenir"
Les médias locaux se sont associés à l'événement. Ainsi Régis Debray s'est retrouvé pour une heure de direct dans le petit studio de Radio Caraïbes, station plutôt populaire, pour un débat de très haut vol sur l'engagement politique. Alors que derrière l'écrivain qui vient de publier Du bon usage des catastrophes chez Gallimard, une télévision dont on avait coupé le son passait des clips de hip hop aux danseuses dénudées, il a expliqué, imperturbable même à la conversation téléphonique du technicien radio en plein direct, que « c'est à l'intérieur d'un peuple que se dessine son avenir. Le révolutionnaire professionnel qui court le monde, je n'y crois plus ! ».
Le festival s'est terminé dans la moiteur de la cour de l'Institut français avec une émouvante lecture musicale d'Arthur H accompagné du musicien Nicolas Repac. Lyonel Trouillot, directeur de la manifestation en Haïti, a donné à l'assistance « rendez-vous dans deux ans ».