Andy Larkham est un de ces anti-héros dont raffolent les scénaristes de séries anglo-saxonnes. Encore jeune (vingt-sept ans), pas idiot, sympa, mais le prototype même du loser : aux éditions Carpe Diem, qui l'emploient, il est traité comme un sous-fifre et rémunéré en conséquence. Il vit dans un gourbi, mange n'importe quoi. Et, cerise sur le gâteau, sa petite amie Sophie vient de le plaquer. Même son meilleur pote, David le journaliste, peine à lui remonter le moral. Mais chez Shakespeare Nicholas, comme chez son illustre homonyme, les bonnes fées veillent, même si leurs interventions peuvent revêtir des formes assez inhabituelles...
En l'occurrence, Andy reçoit l'avis de décès de son vieux maître, Stuart Furnivall, qu'il n'avait pas revu depuis quelque temps, mais qui a joué un rôle décisif dans sa formation. Il décide de se rendre à sa messe de funérailles. Mais il pleut, Andy est en retard, distrait. Il se trompe de chapelle, et assiste ainsi à l'office d'un autre, un certain Christopher Madigan, dont il ignore absolument tout. Ils ne sont que deux dans l'église. A la fin, on leur fait signer le registre de condoléances. Et en fait, quelques jours après, Andy apprend, par l'avocat qui l'a convoqué, que le défunt qu'il a accompagné par hasard jusqu'à sa dernière demeure était richissime. Et que, dans un testament fantaisiste mais bien réel, il a décidé de déshériter sa fille Jeanine, avec qui il n'avait plus aucun contact depuis des années, au profit de ceux qui assisteraient à son enterrement dans sa totalité. Soit, ce matin là : Maral Bernhard, l'espèce de "gouvernante" du défunt, et Andy lui-même.
Une fois Jeanine déboutée de son recours, chacun des deux "présents" hérite donc la coquette somme de 17 millions de livres sterling. Au début, Andy éprouve quelques scrupules, songe à refuser, ou à tout léguer à des bonnes oeuvres. Et puis il finit par accepter, et s'offre du sacré bon temps. Adieu factures en souffrance, bonjour le monde en VIP. Mais le farniente n'a qu'un temps. Aiguillonné par David, harcelé par Jeanine, Andy va se lancer dans une enquête poussée sur Madigan, son bienfaiteur. Et découvrir petit à petit, au milieu de multiples rebondissements, tous les secrets d'un homme complexe, tourmenté, pas si noir que sa fille le pense. Et qui, bien entendu, ne s'appelait pas Madigan, n'était pas anglais de naissance, etc.
L'excellent Nicholas Shakespeare, par ailleurs grand admirateur et biographe de Bruce Chatwin, signe ici une fable morale à la sauce de Worcester, vive (surtout dans la première partie), avec happy end garantie. Héritage ferait une excellente comédie néo-british, un peu dans la veine de Stephen Frears.