En amont de sa conférence annuelle qui se tiendra les 17 et 18 mars à Lisbonne, la Fédération des libraires européens et internationaux (EIBF) a enquêté sur leurs relations avec les bibliothèques et les écoles. « Leur approvisionnement constitue une part majeure du modèle économique des librairies », introduit un rapport à échelle européenne et dévoilé fin février.
Tout part de ce constat : les écoles et les bibliothèques commandent des lots de plus en plus gros de livres, donc passent par des marchés publics, une procédure qui vise à mettre en concurrence de manière transparente des libraires de toutes tailles. Cet appel peut rayonner nationalement, voire à l’échelle européenne. En France, une bibliothèque doit suivre ce processus à partir de 90 000€, pour l'achat de livres non scolaires.
Problème, pour l'EIBF : cette procédure exclut les petites librairies. « Dans des pays comme les Pays-Bas ou le Luxembourg, les librairies sont aujourd’hui complètement écartées du processus et remplacées par des entreprises spécialisées », illustrent les auteurs de l'enquête.
Ils prennent comme étude de cas l’Irlande, où le prix du livre est libre. Entre 2017 et 2024, ceux qui ont remporté l’appel d’offre pour approvisionner les bibliothèques de tout le pays étaient au nombre… de quatre. Les librairies jugées les plus compétitives et expéditives. Dans le dernier appel, seul le critère de compétitivité était mentionné.
Achats groupés
Deuxième exemple : la Finlande, où chaque bibliothèque se charge d’acheter ses livres. Mais certaines villes regroupent leurs achats pour faire des économies. Elles passent alors par des marchés publics, remportés là encore par les grandes librairies, qui ont tous les livres demandés en stock, donc peuvent les expédier rapidement. Dans les années 1980, la Finlande recensait 400 librairies. Début 2023, 138.
Dernier exemple : l'Allemagne, où le prix du livre est unique, comme en France. Les appels à projet discriminent alors les librairies selon d’autres critères, comme le fait de proposer des livres protégés par film plastique. Des services additionnels trop onéreux ou complexes pour les petites boutiques, « désavantagées », selon les mots du rapporteur. Des contrats sont ainsi remportés par des libraires à l’autre bout du pays.
Recommandations
Soucieuse de faire participer le plus grand nombre de libraires aux commandes publiques, l'EIBF recommande alors aux gros clients de passer des marchés publics moins volumineux, quitte, comme l’ont fait Munich ou Leipzig, à les multiplier. Et à y passer plus de temps ? L’idée est que les petits libraires ne passent, eux, pas trop de temps devant des contrats complexes, qu’ils ne sont pas certains de décrocher. Donc de simplifier la procédure.
Ce qui peut paraître incompatible avec cette autre recommandation : ajouter d’autres critères d’attribution du marché public, comme le développement durable ou le fait de dynamiser le territoire de la bibliothèque ou de l’école.
Une dernière idée : que les pouvoirs publics distribuent des bons aux étudiants invités à les dépenser dans leur librairie de proximité. Un Pass culture élargi, en somme.