« Compliqué », « Galère » : voilà les mots qu’inspirent les marchés publics aux bibliothécaires réunis dans un atelier organisé par l’ABF, à l’occasion de son 68e Congrès. Eclairages avec les intervenantes, Virginie Delaine et Bénédicte Frocaut.
Est-ce que le bibliothécaire peut acheter son livre (non scolaire) directement chez le libraire d’à côté, pour faire vivre cette librairie indépendante ?
En dessous de 90 000 euros hors taxes, oui, pas besoin de faire la publicité de sa demande qui mettra en concurrence plusieurs fournisseurs. Au-dessus, il faut passer un Mapa (Marché à procédure adaptée).
Peut-on faire un seul lot dans mon marché ?
C’est possible, à condition de le justifier. Mais pour assurer une continuité de service, il vaut mieux acheter ses livres de fiction chez un fournisseur, et les BD chez un autre par exemple, au cas où l’un a une rupture. A l’inverse, attention au saucissonnage : faire un lot de 1500 euros seulement, car réduit aux livres policiers à par exemple, c’est une perte de temps (et d’argent) pour le fournisseur.
Puis-je négocier un rabais de 15% sur l’achat de mes livres ?
Non, c’est fini depuis la loi sur le prix unique du livre (1981 !). Elle plafonne à 9% le rabais possible profitant aux collectivités, toujours pour les livres non scolaires.
Puis-je acheter des livres d’occasion et les mettre en prêt au public ?
Oui. Comme les livres auto-édités.
Puis-je acheter des livres dans une vente aux enchères ?
Oui, s’ils présentent un intérêt remarquable (même non patrimonial) et ne peuvent être fournis par votre fournisseur habituel (à qui on demandera un certificat de non-fourniture). Attention : venir avec un papier de délégation de sa mairie pour ne pas avoir à sortir la carte bancaire.
Puis-je exiger de recevoir des livres directement équipés (couverture, reliure…) ?
Oui, mais on fera cette demande dans un lot spécifique. Et c’est un risque d’exclure de nombreux candidats.
Puis-je faire un lot avec une commande automatique de titres, comme « les dix meilleures ventes du mois » ?
Oui ! Mais une seule bibliothécaire parmi la vingtaine participants le fait. Car les bibliothécaires aiment choisir, et pas déléguer, commentent-ils. “Mais si acheter les bestsellers fait partie de notre charte documentaire, pourquoi pas ?”, suggère l’un.
Puis-je demander au libraire un service d’office gratuit ?
Non ! Et il est donc à mettre dans un lot à part. « Il ne faut pas accepter une offre anormalement basse », signale Bénédicte Frocaut. Sinon, les libraires concurrents se poseront des questions…
Comment utiliser les critères écologiques et sociaux désormais imposés par le Code de la commande publique ?
Ils sont difficiles à prendre en compte, car les libraires n’interviennent que sur une petite partie du cycle de vie du livre. Le bibliothécaire ne pourra donc l’évaluer que sur son mode de livraison ou le type d’emballage utilisé par exemple.
Comment favoriser le libraire local, comme le veut ma municipalité...?
La proximité géographique, les délais de livraison et le bilan carbone du libraire ne sont pas des critères suffisants voire valables pour départager les candidats. Les bibliothécaires peuvent en revanche distinguer les libraires au CV intéressant, qui organisent des animations de qualité dans leur boutique, qui s’engagent dans des salons littéraires et mettent en avant des petites maisons d’édition…
"Mais si vous sentez que votre libraire local est fragile, le marché public peut le mettre en difficulté, car c’est une procédure qui demande du temps, donc il vaut mieux faire appel à un autre”, souligne Bénédicte Frocaut.