8 janvier > essai France

Déjà remarquée avec une biographie de Balzac (Hachette Littératures, 1999), Nadine Satiat a ensuite passé huit ans à peaufiner une monumentale somme sur Gertrude Stein (Flammarion, 2010) qui lui a valu plusieurs prix littéraires amplement mérités.

Nadine Satiat- Photo CTATHY BISTOUR/FLAMMARION

La voici de retour avec un volume aussi séduisant qu’étonnant. Au miroir de Louise a commencé à germer en elle alors qu’elle était en train d’écrire un « gros livre » achevé jusqu’aux deux tiers. Il y a d’abord eu l’appel d’une affiche dans la rue, avec des personnages roses à deux têtes. Puis la découverte d’une « grande exposition mirobolante » au Centre Georges-Pompidou.

La plongée dans un monde étrange, perturbant et fascinant à la fois grâce à des dessins, des gravures, des peintures, des vitrines, des autoportraits de l’artiste Louise Bourgeois. Et aussi une vidéo donnant la parole à la vieille dame aux cheveux peignés en arrière. Une Louise qui dit qu’il « faut de la flexibilité et de l’acceptance ». Accepter le fait que « les gens ne voient pas les choses que vous voyez ».

Impossible désormais pour la biographe de ne pas aller voir plus loin. De ne pas en savoir plus sur celle qui avait vu le jour en 1911. D’une mère, tapissière à Aubusson, féministe marquée par la figure de Louise Michel. Et d’un père, socialiste et anticlérical, qui voyageait tout le temps et s’est moqué d’elle avec cruauté.

Louise Bourgeois a été élève au lycée Fénelon puis à l’Ecole des beaux-arts. Elle a débarqué en Amérique en 1938, pris des cours de peinture avec un passeur du modernisme, épousé Robert Goldwater, auteur d’une thèse sur le primitivisme et l’art moderne, avec lequel elle allait avoir trois garçons. Inspirée par Seurat et Picasso, elle expose pour la première fois ses tableaux en 1945.

Dès le début, on accompagne pas à pas Nadine Satiat dans un ouvrage qu’elle habite avec une force incroyable et dont la forme est extrêmement singulière. La spécialiste du XIXe siècle a dévoré les entretiens écrits ou filmés de Louise Bourgeois, cherché à comprendre d’où elle venait, ce qu’elle avait emmagasiné et rejeté.

Il en résulte un essai bouillonnant, passionnant, cet Au miroir de Louise qui aide à mieux connaître une grande dame d’abord longtemps ignorée par le marché de l’art. Une « petite Française » qui a tenu une librairie de livres anciens spécialisée dans la littérature enfantine et les ouvrages illustrés et a rendu visite à Francis Bacon en 1951. Quelqu’un qui expliquait qu’un créateur a la chance d’être en relation directe avec son inconscient et que « fondamentalement la vie d’un artiste est la négation de la sexualité ». Ou encore qu’elle était ensorcelée et envoûtée quand elle travaillait. Exactement ce que l’on ressent à la lecture du livre de Nadine Satiat. Al. F.

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