Le voisin est un animal nuisible assez proche de l’homme. Trop proche selon Pierre Desproges. C’est même cette proximité qui le rend lointain. Sur cette relation étrange et souvent conflictuelle, Hélène L’Heuillet pose un regard de philosophe et de psychanalyste. Et elle nous en dit plus sur cette éthique de la mitoyenneté.
Avec profondeur, mais non sans amusement, elle examine la typologie des voisins. Ceux d’en face (les plus fascinants, dit-elle), ceux d’en haut (les plus détestés), ceux d’en bas (les invisibles) et ceux d’à côté (les voisins par excellence). Cet essai sur les rapports de voisinage s’inscrit dans une interrogation plus large sur les liens sociaux et la démocratie puisque "la question du voisinage est au centre des problèmes d’éthique et de politique contemporains".
Hélène L’Heuillet observe notamment les relations entre les classes sociales ainsi que les notions de convoitise, de promiscuité, de proximité. Freud, Lacan, Hegel, Levinas sont appelés à cette "réflexion sur la coexistence humaine", mais aussi les historiens ou les écrivains qui ont fait du voisin un personnage pervers et de la voisine une fabrique à fantasmes.
Aujourd’hui, à de rares exceptions près, le solitaire n’existe plus. Est-ce à dire que "le voisin a remplacé le prochain" ? Pas vraiment. Le voisin n’est proche que parce qu’il habite à côté. Il établit un "lien par le lieu". D’où notre répugnance pour celui du dessus, qui nous domine. Freud avait déjà remarqué que se moquer de ses voisins, c’était prouver sa différence.
Pourtant, on ne choisit pas ses voisins. C’est dommage parce que nous le sommes tous. D’une certaine manière, ils nous rappellent où nous vivons et nous confrontent à "l’énigme de l’acte d’habiter". D’où la question posée par Hélène L’Heuillet : "Peut-il y avoir encore des voisins quand il n’y a plus de lieu où vivre ?"
La tentative de se passer des voisins est récente, avec la multiplication des zones pavillonnaires et périurbaines. C’est pour compenser cette désaffection que fut créée une fête. Hélène L’Heuillet nous dit que c’est une chance de "repenser la démocratie dans l’espace du voisinage". Alors, faites des voisins ! Après la lecture de cet essai captivant, c’est sûr, vous irez sonner chez eux. Pour leur demander de faire moins de bruit. L. L.