17 août > Roman France

C’était l’un des débutants très remarqués de la rentrée 2015 : Alexandre Seurat frappait fort avec La maladroite, un premier roman inspiré d’un fait divers réel, hanté par la question de la responsabilité, de la culpabilité, de la justice. L’administrateur provisoire reformule ces questions en menant une enquête intime au sein d’une famille de la bonne bourgeoisie catholique parisienne, et instruit du même coup une sombre période de l’histoire contemporaine.

A la mort de son frère qui s’est suicidé, le narrateur part sur les traces du grand-père paternel de sa mère, Raoul H., et découvre ses fonctions au sein du Commissariat général aux questions juives pendant l’Occupation. Le jeune homme interroge les trois frères de sa mère, sollicite l’avis d’un universitaire, consulte les archives, croisant souvenirs des proches et documents officiels. "C’est tout un monde glauque, opaque, qui vient de s’ouvrir sous moi - et la nausée." Entre oubli et déni, justifications - "c’était l’époque" - et minimisation des faits, il prend petit à petit la mesure de l’implication de son arrière-grand-père dans le processus de confiscation des biens juifs, son engagement actif dans "l’aryanisation économique", l’autre nom de la spoliation organisée et légale mise en place par Vichy à partir de 1941. Il comprend mieux aussi comment la violence des non-dits et cette honte en héritage font écho à la rage de son frère, rentré d’une visite à Auschwitz et "possédé par la haine". Il tente de combler les vides du récit en reconstituant le sort de deux victimes mortes en déportation après avoir été dépossédées de leur entreprise par ce plus que zélé administrateur provisoire.

Seuls les noms de ces deux hommes ont été modifiés, précise Alexandre Seurat qui, comme son narrateur, s’est consciencieusement documenté. Et cette façon qu’a son écriture de forcer le silence des crimes est une nouvelle fois glaçante. Véronique Rossignol

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