"Avec pour unique volonté de mettre en lumière le rôle de ces femmes d’exception", ainsi s’est engagée la peintre Catherine Lopes-Curval dans Femmes d’artistes, femmes artistes, projet que lui avait soufflé l’éditrice Antoinette Fouque avant sa mort en 2014. Il s’agissait de rendre hommage aux épouses amantes, muses, modèles, indispensables inspiratrices d’artistes, femmes d’influence et/ou sous influence. Elle a choisi quarante femmes du monde du cinéma, de la littérature ou de l’art, moitiés féminines de duos célèbres, restées en retrait comme Grace Frick, l’universitaire américaine, figure de dévouement total, qui occupera toutes les places auprès de Marguerite Yourcenar, ou artistes elles-mêmes ayant bénéficié d’une reconnaissance tardive. Aux côtés de Jeanne Hébuterne, compagne et modèle de Modigliani, de Lee Krasner, épouse de Jackson Pollock, que Catherine Lopes-Curval imagine assise dans un petit carré blanc cernée par les "drip-paintings" de son mari, de Sonia Delaunay et de Françoise Gilot. On y trouve aussi Sophie Taeuber-Arp, complice du dadaïste Jean Arp, créatrice multiforme, ou encore la peintre allemande Paula Modersohn-Becker. Et Josephine Hopper dite Jo, qui a exigé de son mari Edward d’être son unique modèle, résume le dilemme de ces partenaires.
Artiste femme d’artiste, c’est aussi le cas de la peintre afro-américaine Gwendolyn Knight, née en 1913, mariée pendant cinquante-neuf ans à Jacob Lawrence. Pour représenter ces deux peintres, Catherine Lopes-Curval, qui explicite souvent la genèse de ses œuvres dans la courte notice biographique introduisant chaque tableau, combine ici les célèbres Migration series de Lawrence, une œuvre de Knight et une photo du couple prise par Irving Penn. Un parti pris qui illustre le processus créatif de la peintre, diplômée des Arts déco de Paris, représentante de la deuxième génération de la figuration narrative : composition par montage, association-rapprochement-détournement d’images symboles, d’éléments biographiques, piratage ludique des caractéristiques picturales ou stylistiques d’autres artistes. Humour et lucidité. Véronique Rossignol
