FeniXX, la société d’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle, a relancé la chaîne de production de fichiers ePub, stoppée depuis la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, novembre 2016) qui estimait ce programme non conforme à la réglementation sur le droit d’auteur. Sans effet rétroactif, l’arrêt de la CJUE, confirmé en juin 2017 par le Conseil d’Etat qui l’avait sollicité, ne concernait toutefois pas les 165 000 licences déjà accordées par la Sofia, chargée de la gestion collective des droits attachés à ces livres inscrits au Registre des livres indisponibles en réédition électronique (ReLire, acronyme qui donne son nom au programme).
Sur cet ensemble, FeniXX avait déjà produit et diffusé quelque 36 000 livres numériques à partir des exemplaires papier conservés à la BNF. Par précaution, l’utilisation des licences restantes avait été suspendue, et la production interrompue, afin de ne pas engager de frais supplémentaires alors que le dossier était juridiquement bloqué.
Un article additionnel au projet de directive européenne sur le droit d’auteur a permis de lever l’obstacle. Ajouté dans la version du texte approuvée par le Conseil européen, cet article valide le système de gestion collective étendue qui autorise l’exploitation d’œuvres d’auteurs n’ayant pas donné d’accord formel, à condition que ces ayants droit puissent se retirer quand ils le souhaitent. C’est exactement ce que prévoit ReLire.
D’autres critères sont à respecter (représentativité de l’organisme de gestion, publicité du registre, contenus dont la gestion traditionnelle serait inadaptée au faible enjeu commercial, etc.), qui correspondent au projet français. Le Danemark, la Finlande et la Suède ont défendu cette solution aussi utilisé pour des numérisations en cours chez eux que l’arrêt de la CJUE fragilisait. La France a soutenu l’initiative, qui permettra de rajouter des licences dans ReLire quand la directive sera approuvée.
En attendant, la production d’ePub sur les licences accordées est repartie au rythme de 16 000 fichiers annuels pendant trois ans. Estimée au total à 3,3 millions d’euros, cette tranche, toujours sous-traitée chez Jouve, est financée à 70 %, par le Centre national du livre. Google, à l’origine de toute cette affaire avec son projet de numérisation sauvage, aujourd’hui délaissé, va inclure les livres de ReLire dans sa librairie numérique, bien après Amazon, Apple, Kobo-Fnac et les sites de libraires indépendants. De quoi continuer à faire progresser les ventes, d’environ 4 000 unités mensuelles, à côté des accès aux collectivités (PNB, Cairn), indique Régis Habert, DG de FeniXX.
Hervé Hugueny