23 mars > Roman Ecosse > Irvine Welsh

Petit roulé-boulé de scène inaugurale : pour son huitième roman traduit au Diable vauvert, La vie sexuelle des sœurs siamoises, Irvine Welsh vous plonge en pleine nuit sur une route. Direction : South Beach, Floride. Lucy rentre chez elle, passablement énervée par une dispute avec Miles, son amant pompier, qui prétextait un mal de dos "pour justifier son inaction". Des types sur la chaussée : "des étudiants bourrés ou des tox défoncés qui se sont lancé un défi mortel" ? Ou un car-jacking, un braquage d’automobile ? La conductrice, arrimée à son volant, pétrifiée, fauche un maigrichon blond qui rebondit sur son capot, et finit par freiner. L’autre, le Latino trapu, se fait culbuter par un véhicule qui ne s’arrête même pas ; la panique semble plus forte que la douleur, et le petit brun de boitiller vers sa voiture et d’appeler à l’aide. Surgit un troisième larron armé, menaçant les deux autres. Lucy sort de la voiture, assène un coup de kick-boxing, envoyant valdinguer le revolver et aplatissant l’agresseur sur lequel elle saute afin de l’immobiliser. Les sirènes de la police hurlent. "J’ai tout filmé sur mon portable !" couine quelqu’un à son oreille. La narratrice lève son regard "sur une petite grosse, […] 1,55 m, peut-être 1,60 m pour environ 100 kg" et "comme presque toujours avec les gens en surpoids, difficile de déterminer son âge, […] dans les 27 ans". Lucy Brennan évalue tout, mesure tout, compte tout… surtout les calories. Elle est coach de fitness et ne rigole pas avec le physique. Narcissique et bisexuelle, la trentenaire musclée à la libido débridée incarne l’obsession américaine de la jeunesse et du corps, dont l’acmé se trouve à Miami Beach, lieu de l’action du nouveau roman de l’auteur écossais, comme dans Crime, où l’on suivait un policier d’Edimbourg dépressif en convalescence. Mais ici, pas touche à la dope, on ne boit que de l’eau et des jus survitaminés. Lucy méprise les gros, les petits, les moches, les ratés. Telle une caporale nazie de la forme, elle mène ses riches clientes à la schlague tout en se demandant : "Pourquoi est-ce que je m’entête à perdre mon temps avec des connes pour qui la définition d’une bonne partie à trois, c’est avec Ben & Jerry [la marque de crèmes glacées (NDLR)] ?" Et puis un jour, Lucy reçoit à son club de gym un appel d’une certaine Lena Sorenson, celle qui a fait d’elle une "héroïne" locale, "la dinde sapée en rose avec une minerve de chair autour du cou". Que lui veut-elle ? Des cours. Lucy et Lena vont se trouver plus d’affinités qu’il n’y paraît. Mystère des jeunes sur la route et passé où Lena fut maigre. L’auteur de Trainspotting entraîne son lecteur sur son tapis de jogging narratif et le fait haleter. Du grand Welsh. Sean J. Rose

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