Du 24 au 26 octobre, la Société des gens de lettres organise un Forum consacré aux mutations engendrées par l'irruption d'Internet dans le secteurs du livre qui se déroule du 24 octobre au matin, à l'Hôtel de Massa.
«
Internet nous présente de manière visible la destruction de l'auteur », a lancé en préambule le modérateur du débat, Martin Legros, philosophe et rédacteur en chef de
Philosophie Magazine. Gilles Leroy, écrivain, Guillaume Teisseire, cofondateur de babelio.com, Claro, traducteur et écrivain, Guenaël Boutouillet, critique, auteur et rédacteur en chef du réseau social livreaucentre.fr et Sylvie Gracia, auteur et éditrice, ont débattu pendant une heure et demie sur le thème très actuel de « l'identité de l'auteur sur Internet »
« Une autre dimension »Beaucoup insistent sur la «
liberté » qu'offre Internet pour l'auteur. Le déroulement linéaire du récit n'est plus une règle absolue, le web permettant d'insérer des liens hypertexte, des notes, des références... L'auteur peut interagir avec ses lecteurs, par le biais des commentaires notamment. La création s'en trouve enrichie selon Sylvie Gracia, qui a vécu une «
expérience littéraire » par le biais de Facebook. Les photos et statuts qu'elle a publiés ont fini par constituer un «
feuilleton » d'un an : «
Ce nouveau format littéraire m'apportait une liberté extraordinaire ».
De cette expérience de l'immédiateté avec ses lecteurs, elle a tiré un ouvrage,
Le livre des visages, journal facebookien, 2010-2011 (Jacqueline Chambon). Selon elle, les réseaux sociaux renouvellent le rapport au lecteur et à la lecture et à l'écriture. Ses lecteurs lui ont dit que son livre hybride avait pris « une autre dimension » : «
revenir à la publication traditionnelle est une frustration ». Guenaël Boutouillet voit aussi dans les réseaux des évolutions positives pour l'auteur, mettant en valeur le rôle de «
validation » des internautes : «
C'est une nécessité de mettre de la littérature dans l'espace du web, cela fait partie du monde ». Selon lui, Internet modifie la forme de l'oeuvre : « Certain
s textes courts se rapprochent des posts de blogs. On pense souvent en page, et moins en livre ».
Une remise en cause du monopole de l'écrivainMais selon Gilles Leroy, prix Goncourt 2007, il ne faut pas surévaluer le rôle d'Internet dans la création. Les auteurs ne sont pas obligés d'être connecté pour écrire. S'il concède l'être pendant qu'il travaille, il explique arriver à «
garder les deux choses étanches ». De même, pour Claro, être connecté induit une pratique différente, mais cela n'influe pas forcément sur l'écriture : «
sur mon blog, je n'ai aucune raison de me mettre à parler en phonétique ! ».
Mais ces nouvelles perspectives au niveau de la création et de la diffusion posent aussi la question de la remise en cause de l'identité même de l'auteur sur le web : les caractéristiques de l'auteur y sont modifiées. D'une part, la notion de créateur n'est plus l'apanage de l'auteur : ce statut est à la portée de tout internaute. D'autre part, il n'est plus forcément « choisi » par un éditeur, ni adoubé par des critiques littéraires «
institutionnelles ». Enfin, il ne maîtrise plus son oeuvre, Internet étant le règne du partage et de la contribution.
Critiques institutionnels et internautesMais pour Guenaël Boutouillet, interrogé sur l'éventuel nouveau rapport du lecteur avec l'auteur sur Internet, les internautes se distinguent des critiques littéraires : ils donnent plutôt leur avis, sans replacer le texte dans un mouvement ou une époque, comme le font les professionnels : «
ils parlent de leurs impressions de lecture ». Pour Claro, le web est un moyen pour certains auteurs non publiés de palier «
une grosse frustration ». Mais cette impression de « démocratie » est factice selon lui : «
on a l'impression qu'un texte est d'un coup accessible à tout le monde. En fait, ça ne multiplie pas les lecteurs : qui va vraiment les lire ? ».
Quant à Guillaume Teisseire, fondateur du site Babélio, qui fédère 60 000 lecteurs-critiques, il considère qu'il est possible, par le biais du web, de rendre plus visible des livres qui sont peu ou pas traités dans les médias classiques, expliquant qu'un livre portant sur un sujet ardu n'aurait jamais eu d'écho dans la presse traditionnelle.
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