Face aux incitations du ministère de la Culture pour ouvrir plus les bibliothèques, la présidente a pointé la contradiction de cette demande avec les contraintes que le Pacte financier du gouvernement fait peser sur les collectivités locales. "Alors que nombre de bibliothèques rurales fonctionnent avec des bénévoles dont la charge de travail est comparable à celle d'un salarié à plein temps, ne faudrait-il pas mieux investir sur la formation et la profesionnalisation ?, a déclaré la présidente, qui a réaffirmé que la position de l'ABF était "d'ouvrir mieux plutôt que d'ouvrir plus".
Après avoir exposé avec humour une dystopie dans laquelle les données privées des lecteurs étaient vendues pour alimenter les budgets d'acquisition, l'ouverture du dimanche financée par une loterie nationale, et où les bibliothécaires étaient remplacés par des androïdes, la présidente a rappelé qu'une bibliothèque n'était pas qu'une série d'étagères mais une équipe et un projet au service des citoyens. "Le métier de bibliothécaire est-il en passe de devenir obsolète ?", a poursuivi encore Alice Bernard, avant de conclure, "la bibliothèque, c'est avant tout de l'humain".
Le ministre au salon
Le ministère de la Culture, Franck Riester, qui devait initialement faire un discours en ouverture de la manifestation, est finalement venu en fin de matinée. Après avoir fait un tour du salon professionnel, il a rencontré les membres du bureau national de l'ABF pour un bref échange autour des principales préoccupations de la profession. Les bibliothécaires ont mentionné à nouveau les questions qui se posent autour de la transposition dans le droit français de la directive européenne sur le droit d'auteur. "Protéger le droit d'auteur et garantir l'accès à l'information des usagers n'est pas incompatible", a rassuré le ministre en réponse aux inquiétudes exprimées.
L'ABF a ensuite affirmé l'importance pour les bibliothèques d'être bien identifiées comme des actrices de premier plan dans la mission d'inclusion numérique. "Je compte poursuivre cette initiative, a indiqué Franck Riester. A l'ère du numérique, il est important de prendre en compte les nécessités de formation des citoyens dans ce domaine".
Stéphane Dumas, vice-président de l'ABF, a alerté le ministre sur les difficultés que rencontrent actuellement les bibliothèques départementales en termes de budget et en matière de cadre d'emploi. "Les directions sont de plus en plus souvent confiées à des administratifs et non à des bibliothécaires", a déploré le représentant de l'ABF. "Le rôle des bibliothèques départementales mérite d'être réinterrogé et leurs missions réaffirmées, en lien avec les collectivités territoriales, a acquiessé Franck Riester. Il faut trouver comment inciter à nouveau les conseils départementaux à se saisir de ce service".
Pour conclure, Alice Bernard a demandé au ministre sa position concernant la perspective d'une loi sur les bibliothèques, en débat depuis de nombreuses années. "Ce n'est pas d'actualité pour l'instant, a répondu le ministre. Mais il est possible de faire passer des messages politiques forts, d'accompagner votre travail sans passer par une loi".