Le "docteur", le héros de La splendeur de la vie, est un écrivain quadragénaire en mauvaise santé qui ne cesse de maigrir. Ce dernier n'est plus employé à la compagnie, mais pensionné depuis un an. Voici un homme qui a beaucoup gardé le lit, a fréquenté le sanatorium à cause de sa tuberculose. Un homme qui a lutté contre des maux de tête et contre les fantômes qui l'assaillent. Et peut affirmer qu'il a passé la moitié de son existence à attendre.
A l'été 1923, le docteur se rend au bord de la Baltique. A Müritz, auprès de sa soeur et de ses nièces, afin de profiter du bon air et tenter de se remplumer. Il prend plaisir aux piaillements des enfants, aux baignades, se sent vite presque "au seuil du bonheur". L'oeil alerte, il remarque d'abord une grande brune qui ne sourit pas. Elle se nomme Tile, est âgée de 17 ans, vient de Berlin où elle travaille dans une librairie, et connaît donc les livres du docteur. Tile lui explique qu'elle veut devenir danseuse. Pour la saison, elle est monitrice dans une colonie de vacances du Foyer populaire juif de Berlin.
Ce n'est pas d'elle dont celui en qui on aura reconnu le grand Franz Kafka va tomber amoureux. Mais de Dora, la cuisinière de la colonie. Leur rencontre tient du miracle. Il s'agit là d'une jeune femme de quinze ans sa cadette qui vient de l'Est - d'ailleurs, "tout chez elle vient de loin", comme il le dira plus tard. Elle n'est pas vraiment engagée, bien qu'elle fréquente un peu Hans, le fils d'un architecte avec lequel elle est allée deux ou trois fois au cinéma. Le docteur se met à la questionner, à l'écouter. Commence à se promener avec elle, quel que soit le temps, sur la plage, la jetée ou dans la forêt. Lui qui n'écrit que la nuit ne l'a pas fait depuis des semaines, même pas de lettres à son ami Max.
Avec Dora, il se voit déjà habiter à Berlin. Quand ils doivent se séparer, le convalescent adresse à Dora presque chaque jour une missive, l'interrogeant sur "ce qu'elle porte, quelle robe, quel chemisier, comment a été sa nuit, comme est arrangée la chambre où elle dort". Installés ensemble, "plus ou moins en couple", dans une petite chambre, il aime regarder "l'inflexion de son cou, le balancement de ses hanches quand elle traverse la pièce". Né en 1961 à Munich, Michael Kumpfmüller, dont Denoël avait déjà publié en 2003 Fugue en lit mineur, parle merveilleusement du désir, de la pudeur et du doute. Sa relecture du dernier amour d'un Kafka au soir de sa vie donne un roman poignant et lumineux.