La comparaison à un an d’intervalle ne pouvait que faire mal. En 2016, l'instauration de la gratuité avait permis à la manifestation de bénéficier d'un important effet d’annonce : une progression moyenne de 30% des ventes avait été observée sur les stands et la fréquentation avait atteint le niveau record de 70 000 visiteurs. Cette année, l’effet nouveauté jouait moins et surtout la foire, qui se tient toujours une semaine après les vacances de Carnaval, s’est retrouvée presque décalée de trois semaines. La douceur inattendue des températures a détourné une partie des visiteurs qui a préféré les terrasses et les jardins au parc des expositions Tour & Taxis.
Une fréquentation en baisse
En conséquence, la fréquentation a baissé, les organisateurs annonçant quand même 65 000 visiteurs uniques dont 5 000 jeunes venus de 125 établissements scolaires. Les ventes de livres, à de rares exceptions près – L’Union des éditeurs de voyage indépendants ou Luce Wilquin) – sont en recul. Michel Chabotier, le directeur de Média-diffusion Belgique, qui avait anticipé une baisse de fréquentation par rapport à l’an passé en raison d’une programmation de signatures moins ambitieuse, finit lui au-dessus de ses objectifs "avec des ventes moins polarisées et plus de curiosité des lecteurs".
La programmation a cependant permis d’attirer un public varié, venu rencontrer Eric-Emmanuel Schmitt, président d’honneur, Philippe Claudel, Luis Sepulveda, Harlan Coben, Jacques Tardi, Gaël Faye, révélation de la précédente rentrée avec Petit pays, ou le mangaka Kouiti Shimaboshi, qui a repris Albator.
Bienveillance
Les exposants restent bienveillants à l’égard de la nouvelle équipe menée par Gregory Laurent. "La baisse de la fréquentation se retrouve évidemment dans les ventes. Mais l’équipe organisatrice fait un travail sérieux que nous encourageons", explique Yves Limauge de la librairie A livr’ouvert (Bruxelles), qui gérait le stand de la diffusion Actes Sud.
Certains exposants, qui boudaient la foire ces derniers temps, sont même revenus. La librairie Filigranes avait de nouveau un stand et, parmi les 198 exposants, Casterman faisait son retour avec une ambitieuse programmation, notamment au "Palais des Imaginaires", et Moulinsart s’était doté d’un stand imposant.
A l'écoute des exposants
Pour leur deuxième foire, l’équipe de Gregory Laurent et ses programmateurs (Elisabeth Kovacs pour la littérature, Fabrizio Borrini pour la BD, Catherine Jottrand à la jeunesse ou Christine Defoin pour les opérations hors les murs de cohésion sociale) ont déjà fait évoluer pas mal de choses, en observant leurs confrères. "La boekenbeurs d’Anvers m’inspire beaucoup par la beauté des stands et la scénographie aérée, Brive et la fête de la BD de Bruxelles m’ont renforcé dans l’idée de rendre gratuit l’accès à la manifestation tandis que je pense que nous avons à apprendre de Morges, en Suisse, pour l’accueil des auteurs", raconte Gregory Laurent, qui reste à l’écoute des exposants. La moitié d’entre eux lui ont d’ailleurs fait savoir qu’ils trouvaient la foire trop longue et qu'ils préféreraient un format plus resserré sur 4 jours.
Les allées ont été élargies pour éviter les blocages de l’année précédente. Les files d’attente étaient mieux maîtrisées et l’emballement autour de la youtubeuse EnjoyPhoenix n’a pas créé le même chaos que pour son homologue 2.0 Cyprien en 2016. Pour prolonger le temps de visite à la foire, les capacités d’accueil dans les espaces de restauration ont été augmentées, passant de 3 à 13 lieux avec 1000 places assises supplémentaires.
La gratuité pérennisée
Avec des budgets contraints, amputés de l’apport de la billetterie, l’équipe a multiplié les partenariats afin de s’adjoindre des spécialistes dans des domaines aussi éclectiques que la poésie (Midis de la poésie), la restauration (avec Chef chez soi qui a aménagé les caves en bar clandestin et restaurant chic) ou les branchements électriques ! Livres Hebdo était d’ailleurs pour la première année partenaire de la foire, et a organisé lors de la journée professionnelle lundi 13 mars un débat sur "le casse-tête de la distribution de livres en français dans les librairies belges". Anne Ramaekers (Actes Sud), Michel Chabotier (Média diffusion), Paul-Erik Mondron (Nevicata) et Philippe Goffe (librairie Graffiti) ont échangé pendant une heure devant une quarantaine de professionnels belges.
Lors de l’inauguration de la foire, la ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Alda Greoli, a annoncé l’attribution d’une subvention pluri-annuelle à la foire afin d'aider au maintien de la gratuité d’accès. Fadila Laanan, secrétaire d'Etat à la Région de Bruxelles-Capitale, a aussi confirmé que la région prévoyait une aide similaire. "La forme de la convention nous donne un cadre et nous permet de voir à moyen terme", se réjouit Gregory Laurent.
Et comme Bruxelles est une région bilingue, la foire s’est ouverte au monde néerlandophone avec la présence du romancier Tom Lannoye et de l’artiste Arne Quinze. Plus encore, la Flandre sera mise à l’honneur lors de la prochaine édition, qui en 2018 retrouvera ses dates habituelles, du 22 au 26 février.