Depuis Tombent les avions, prix du Premier roman il y a douze ans, on sait que Caroline Sers aime les histoires de famille, l’ordinaire des liens filiaux et fraternels, fait d’attachement et d’agacement, de complicité et de frustration. Maman est en haut est une tragi-comédie racontée alternativement du point de vue des trois membres d’une même famille. C’est Cerise qui ouvre la danse, oscillant "entre l’inquiétude et une colère montée des profondeurs" lorsqu’elle apprend que sa fatigante mère qui vit seule dans une bourgade de Picardie a été placée en garde à vue et refuse de donner à sa fille la moindre explication. La divorcée Cerise a de quoi être surmenée, prise en tenailles entre cette mère qui a toujours fait passer sa liberté par-dessus tout, ses deux enfants dont une fille de 12 ans et demi qui commence à maîtriser parfaitement le haussement d’épaules et le soupir, un boulot plus alimentaire qu’autre chose dans une agence de com, et son frère. Championne en "adaptabilité" depuis l’enfance, elle souffre en outre d’une "mauvaise conscience chronique" et joue, en bonne aînée, les intercesseurs entre sa mère et ce frère de six ans son cadet que ses parents ont appelé Cochise mais qui a choisi de se réinventer en Sébastien. Lui qui ne répond jamais aux messages de sa génitrice a sur la question un avis définitif : "Elle est folle ! elle a toujours été complètement perchée."
Pas d’effet de manches dans l’écriture claire de Caroline Sers qui joue avec une fausse légèreté sur les variations classiques du psychodrame familial tout en ménageant des surprises originales (mention spéciale à l’ex-mari), mais un sens du suspense et une grande justesse de ton. V. R.