Gibert Jeune, situé place Saint-Michel à Paris et deuxième librairie française selon le classement Livres Hebdo, vient de finaliser la réorganisation de son offre entre ses sept points de vente situés de part et d’autre de la fontaine Saint-Michel. Sur les étals disposés sur le trottoir, on ne trouve plus, devant le numéro 4 de la place, des livres de maths mais des cahiers de coloriage et des cahiers de vacances, tandis que, devant le numéro 10, les guides de tourisme et les ouvrages de cuisine ont remplacé les manuels de langues.
Visant à donner plus de visibilité aux rayons généralistes grand public afin de déclencher des achats d’impulsion, ces changements sont emblématiques du repositionnement de la librairie qui a fondé son développement quasi centenaire sur le scolaire et l’universitaire et qui réalise encore sur ces rayons 40 % de son chiffre d’affaires. "Gibert Jeune a une forte réputation sur les livres d’enseignement, que nous ne voulons pas perdre, assure Bruno Gibert, président du directoire de l’enseigne restée familiale. Mais cela ne suffit plus. Le scolaire a été chamboulé par la gratuité des manuels et l’universitaire est à la peine. Nous devons nous adapter et suivre l’évolution des marchés. D’où notre renforcement sur les secteurs généralistes. Nous y avons de fortes marges de progression."
La réorganisation actuelle vient amplifier celle amorcée en 2013 avec la transformation en librairie entièrement généraliste du magasin phare situé au 5, place Saint-Michel et le transfert des rayons loisirs et bien-être côté pair de la place jusqu’alors dédié à l’universitaire. Aujourd’hui Gibert Jeune va plus loin et réorganise l’ensemble de son offre entre ses différents points de vente du Quartier latin. Une entreprise forcément plus complexe que celle déjà menée dans son magasin rive droite.
Regroupements thématiques
Pour redéployer son offre généraliste et l’enrichir de produits connexes, Gibert Jeune a réaffecté ses locaux à des thématiques grand public n’excluant pas pour autant la présence de livres d’enseignement. Le numéro 4 de la place Saint-Michel, qui accueillait les rayons santé et loisirs ainsi que maths et sciences, est désormais dédié à l’univers de la jeunesse, incluant jouets et manuels scolaires, ainsi qu’à celui de la BD, enfants et adultes, avec produits dérivés. Le numéro 6, auparavant réservé au droit et à l’économie, est devenu une librairie en langues étrangères offrant littérature, jeunesse et pratique ainsi que les ouvrages d’apprentissage. Le numéro 10, délesté des langues, accueille le tourisme, la santé et les loisirs avec de nouveaux produits comme ceux liés aux loisirs créatifs. "Tous ces produits connexes, qui se prêtent bien au jeu des mises en scène et augmentent l’attractivité des rayons, amènent de nouvelles ressources et de nouvelles clientèles", argumente Bertrand Picard, directeur commercial et logistique de Gibert Jeune depuis 2013, en grande partie à l’origine de la nouvelle organisation.
Dans ce cadre, le magasin phare du 5, place Saint-Michel (le plus grand, ouvert depuis 1971) a réintégré, en les concentrant sur son 4e et dernier étage, les ouvrages scientifiques et techniques ainsi que les manuels de collèges et de lycées. "En regroupant au dernier étage ces rayons savoirs et enseignement, qui sont des lieux de destination, nous amenons les clients à traverser les rayons généralistes des étages inférieurs ", explique Bertrand Picard. A savoir, la pochothèque qui occupait ce dernier étage et a été transférée au 3e, la littérature grand format descendue du 3e au 2e niveau, les beaux-arts situés au 1er étage et enrichis avec du matériel artistique (peinture, pinceaux…) ou encore le tourisme, la papeterie-cadeaux et les articles souvenirs au rez-de-chaussée. Comme tous les rayons généralistes, ces derniers ont fait l’objet d’un effort de merchandising avec une forte augmentation des présentations en facing et l’installation de petits lutrins sur les tables. Seules la papeterie scolaire et les fournitures de bureau, au rez-de-chaussée, n’ont pas bougé. De même, le magasin historique du 23, quai Saint-Michel, dédié à l’ésotérisme, est resté dans son jus. Pour finir, le magasin à double entrée, 27, quai Saint-Michel et 36, rue de la Huchette, a pour sa part achevé sa mue autour des sciences humaines-sciences sociales avec l’arrivée de l’économie-droit-gestion et le départ des manuels de lycées et de collèges.
Renforcer la logistique
Comme l’explique Bertrand Picard, cette réorganisation s’appuie sur un important travail en amont concernant la logistique afin de ne pas pénaliser l’assortiment, notamment dans les rayons savoirs. "En regroupant certains univers auparavant éclatés dans différents points de vente, nous réduisons les doublons. Mais surtout nous allons travailler davantage en flux tendu en nous appuyant sur notre entrepôt de Vitry. Au lieu d’avoir des piles dans nos magasins, les stocks seront dans notre entrepôt, libérant ainsi de l’espace pour d’autres produits." Pour ce faire, l’enseigne s’est efforcée d’améliorer et de faciliter les flux de l’un vers l’autre. "Restant maîtres de leur assortiment, les chefs de rayon bénéficient de nouveaux outils de gestion. Car c’est avec une offre riche et attractive que nous ferons venir les gens", assure Bruno Gibert.
C’est donc au prix d’un gros travail de gestion mais avec un investissement financier réduit (achat de lutrins et rénovation du dernier étage du magasin situé au 5, place Saint-Michel) que Gibert Jeune entend devenir un lieu de tentations. Sans communiquer d’objectifs chiffrés, Bruno Gibert explique juste que les rayons généralistes et les nouveaux produits doivent pouvoir au moins compenser les médiocres performances des rayons liés à l’enseignement. Reste désormais à faire comprendre aux clients ce changement de positionnement.