Du collège aux ministères, l'un ne va pas sans l'autre. Stan et Hugo. Le premier est aussi discret, réfléchi, parfois sombre, que le second est charismatique, doué et solaire. Tous deux comme deux faces d'une même pièce, d'une même ambition, d'une même histoire. Ces deux amis font tout de concert, notamment, dans leur jeunesse, un voyage en Russie à l'invitation du gouvernement local désireux de plaider sa cause auprès des futures élites européennes. C'est ce voyage, et plus précisément les évènements confus qui se seraient déroulés lors d'une funeste nuit moscovite, qui sera rappelé à Stan quelques années plus tard. Il va alors tout perdre, son travail, son ami, sa famille. Mais l'Histoire repassera les plats et Stan aura encore rendez-vous avec sa vérité...

Ce qui fait tout le prix de La nuit russe, roman d'espionnage avant que d'être de politique-fiction, c'est d'abord la connaissance intime de son auteur, Gilles Boyer, des contre-allées du pouvoir, cette zone grise où celui-ci se conquiert et parfois se perd. Même s'il s'en défend à demi-mot en un avant-propos lapidaire, comment ne pas songer dans cette relation d'une amitié à celle qui le lie à Édouard Philippe, avec lequel il a écrit trois livres et dont il fut aussi le conseiller à Matignon ? Il serait toutefois dommage de ne s'en tenir qu'à ça. Grand admirateur de John Le Carré, Boyer sait avec son maître que l'espionnage, terre de secrets, est une autre définition possible de la littérature et ne sert jamais qu'à révéler les passions tristes des hommes. Il s'y emploie ici brillamment.