Mon goût pour les curiosa me vaut une réputation d’obsédé. Alors, par ce troisième billet sur le même sujet, je poursuis de mon assiduité le dépiautage du jugement Google (dont, hélas, la rédaction me fait bien peu fantasmer). J’ai suspendu mon entreprise de commentaire juste avant le moment ou le jugement se penche sur le droit à agir des syndicats professionnels. Google, qui exigeait que le SNE et la SGDL soient évacués de la salle, est renvoyé à ses fondamentaux par des attendus cette fois limpides : il n’est pas besoin au SNE d’être titulaire des droits d’auteur de ses adhérents pour intervenir ; et l’adage selon lequel « nul ne plaide par procureur » (en clair, tu n’assigneras pas pour le compte de ton voisin), soulevé par le moteur de recherche, est légitimement estimé incongru en l’occurrence. Même traitement pour la tentative maladroite de faire déclarer irrecevable la SGDL, parce qu’elle n’aurait que six œuvres d’adhérents visées par le litige, et qu’elle non plus ne serait pas titulaire des droits en lieu et place des auteurs ou des éditeurs. Les juges passent ensuite et logiquement sans s’attarder sur le fameux Fair Use d’Outre-Atlantique, qui a été discuté «  à titre subsidiaire  » par l’ensemble des demandeurs au cas où la loi française ne se serait pas appliquée. Pour mémoire, le   Fair Use est une version américaine — et donc démesurée, comme le sont les Etats-Unis — de notre fameux droit de citation. Vient le tour de la loi applicable : américaine ou en v.f. ? Aux dires de Google, le droit du Nouveau Monde a vocation à régenter la numérisation des livres, car celle-ci est réalisée sur le sol américain. Le raisonnement du tribunal commence par étonner : le fait dommageable de la numérisation a lieu en France, au motif que les auteurs et les éditeurs sont français… Sans oublier de rappeler la présence de Google France dans le litige, qui sera pourtant déclarée non responsable de la contrefaçon, quelques attendus plus tard ! Il en est conclu que la France constitue le pays qui entretient les liens les plus étroits avec le litige, et se révèle donc compétent. Heureusement, à la dernière ligne de cette envolée déroutante, est mentionnée l’existence du service « Google recherche de livres », permettant la visualisation des extraits. Or, cette visualisation litigieuse est faisable en France. Cet ultime élément aurait dû suffire à se juger compétent territorialement tout comme à appliquer le droit français. Soulignons au passage que la nuance entre le lieu du procès et le droit applicable n’est pas expressément faite. Or, un tribunal français peut juger en droit étranger. Et vice-versa. Mais, encore une fois, il ne s’agit là que de la décision la plus attendue de l’année en droit d’auteur, donc n’en demandons pas trop… Quant au statut de la numérisation, il est lui aussi débattu, mais, au contraire du point précédent, avec un goût de trop peu qui frustre le lecteur (du jugement !). Aux yeux du tribunal, la numérisation équivaut à une reproduction nécessitant une autorisation ; sans plus de précisions. Et de passer aussitôt, pour enfin parler contrefaçon d’une numérisation rendant « apte à communiquer indirectement au public ». Voilà bien un rapprochement (numérisation = contrefaçon) qui aurait nécessité quelques lignes supplémentaires pour convaincre, alors que c’est cette politique de scanner géant qui a déclenché une ire planétaire dans la communauté des gens du livre. Pause pour aujourd’hui. Suite et fin de mon propre verdict sur le sujet Google dans mon prochain billet. Puis, ce sera le retour à des décisions de justice… plus travaillées.
15.10 2013

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