Bonne chère chez Molière. La littérature et la cuisine partagent un même mot pour désigner le sens par quoi on apprécie la chose lue ou mangée : « goût ». Le goût, c'est ce qui permet de distinguer le bon du mauvais. Littéralement ou métaphoriquement, le lexique relevant de la sensibilité gustative traduit une infinie palette de nuances dans le jugement. Des scabreuses agapes dans le Satyricon de Pétrone au Festin de Babette de Karen Blixen en passant par la rabelaisienne ripaille avec Gargantua ou aux bons plats de Françoise la cuisinière proustienne... les œuvres regorgent de mets et autres victuailles et foisonnent de descriptions de tables bien garnies.

Complétant sa collection sur les auteurs lui inspirant des recettes, Guy Savoy s'attaque, après ceux de la Renaissance, aux auteurs du XVII^e siècle. Au menu : les célébrissimes Molière, Racine ou Corneille mais également des gens de lettres moins connus, comme la marquise de Sablé ou Saint-Évremond. Le chef étoilé raconte le scandale que fut aux yeux de la Cour l'invitation de Louis XIV faite à Molière de s'asseoir à sa table. Mais c'est entre eux que les auteurs préfèrent encore se réunir autour d'un verre ou d'un gueuleton. Avant Zola et ses soirées de Médan, Molière reçoit ses pairs écrivains dans sa maison d'Auteuil. Richement illustré et étayé par moult citations, cet hybride entre livre de recettes et anecdotes littéraires se décline selon les successifs moments du repas. Des entrées (« Harengs et haricots blancs dans une vinaigrette aux airelles », dédicacée à l'auteur de Tartuffe) aux desserts (« Pêche"lac-thé" » d'inspiration racinienne), un régal !