20 août - 3 septembre > Romans France

C’est une gageure, même pour un écrivain si prolifique et éclectique qu’Hubert Haddad, si confirmé également, de présenter à la rentrée littéraire deux romans presque en même temps, et si différents. A moins que ce ne soit un moyen, concernant les grands prix qu’il n’a pas encore obtenus de multiplier ses chances par deux ! C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

Surfant sur une certaine actualité, où les progrès de la science et de la médecine repoussent chaque jour un peu plus les limites du possible, mais au mépris parfois de l’éthique, Hubert Haddad a anticipé une histoire extravagante, sur un rythme de thriller. Cédric Allyn-Weberson, journaliste d’investigation sans concession, sous le pseudonyme de Cédric Erg, est le fils du milliardaire Morice Allyn-Weberson, magnat d’un labo pharmaceutique. En Grèce avec son amoureuse Lorna Leer, grand reporter de guerre, il est victime de ce qui ressemble à un accident. Le voici dans le coma, puis tétraplégique à vie. Alors que, dans ses enquêtes, Cédric s’est opposé violemment au bizness de son père et a dénoncé quelques scandales, Morice décide de tout mettre en œuvre pour sauver son fils du sort auquel il est condamné. Il mandate les meilleurs chirurgiens du monde, sous la direction du professeur Cadavero, pour réaliser une opération jamais tentée : greffer la tête de Cédric sur le corps d’un autre, un donneur anonyme dont il finira par apprendre le nom, Alessandro, jeune Sicilien mort dans un accident de moto. L’entreprise réussit, Cédric redécouvre "son" corps et ses fonctions, et peut reprendre sa vie "normale". Mais il culpabilise, et se considère comme "un monstre clinique", un "cobaye de luxe". Il va alors se lancer dans une quête de la vérité, extrêmement périlleuse : sans le savoir, il a de redoutables ennemis aux trousses… On n’en dira pas plus.

Par rapport à Corps désirable, Ma est un roman plus zen, dans la veine japonaise du magnifique Peintre d’éventail (Zulma, 2013). C’est l’histoire d’un Nippo-Américain, Shoichi, subjugué par Saori, une femme mûre, fille de kamikaze, universitaire qui a consacré une thèse biographique au moine vagabond Santoka, le dernier grand haïkiste, lointain disciple du grand Basho, mort en 1939. Shoichi et Saori se sont aimés brièvement. Puis elle a disparu, noyée lors d’une croisière. Alors, en mémoire du seul amour de sa vie, Shoichi, le manuscrit à la main, va refaire à pied le parcours de Santoka, leurs deux destinées finissant par se confondre.

Aucun rapport entre les deux romans, si ce n’est le talent d’un écrivain protéiforme, qui n’a pas fini de surprendre ses lecteurs fervents. Jean-Claude Perrier

 


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