Le soleil de la Révolution Numérique s’est levé. Tous les médias convergent… pour le clamer : Les ventes de Dan Brown en ligne s’envolent (et les piratages également : aux USA, plus de 40 000 téléchargements illégaux, en 48 heures, de son dernier livre !) ; Stephen King a déjà fixé le prix de son prochain fichier ; les plates-formes des éditeurs français s’affrontent ; une étude du MOTIF dresse la liste des livres les plus téléchargés illégalement ; etc. Et Hachette n’aura sans doute plus qu’un grand écran en guise de stand au prochain Salon du livre de Paris. Il ne reste apparemment que Umberto Ecco pour affirmer, ces derniers temps, d’hebdo papier en hebdo papier, que le livre (papier) reste l’objet le plus indispensable. Bien obligé, lui qui s’est employé, dans son fameux best-seller, Le Nom de la Rose , à exploiter les ressources d’une bibliothèque labyrinthique. L’intrigue aurait beaucoup perdu en allure si le décor s’était limité à une liseuse façon Kindle. Tiens, et si, à suivre toutes ces annonces sur le numérique, je vidais les miennes, de bibliothèques, de toutes ces vieilleries de papier, de carton et de maroquin ? Je regagnerais ainsi de la place pour accrocher de la peinture ou de la photo. Et j’imagine déjà tous les bénéfices que je pourrais tirer de l’opération. Terminé, le plumeau qui ne fait que déplacer la poussière ! Au diable, ces montagnes de cartons indispensables à tout déménagement, et qui vous hantent durant des semaines de réinstallation. Fini, de payer à prix d’or le bois - pourtant guère d’ébène - indispensable pour façonner sur mesure des rayonnages contournant les « obstacles » (fenêtres, portes, radiateurs, compteur électrique, cheminées, etc.). Je pourrais enfin préserver la forêt primaire. Et par la même occasion effectuer un vrai don à mes amis africains, dont l’impécuniosité ne leur permet guère de s’offrir les meilleurs livres.  Je ne garderais même pas une sortie papier de la loi Hadopi 2. Le Conseil constitutionnel l’a laissée quasi-intacte. Mais voilà bien un texte digne de la poubelle de mon ordinateur, tant il est mal rédigé… et inutile. Jusqu’ici le Code de la propriété intellectuelle sanctionnait déjà sévèrement la contrefaçon, sans avoir eu besoin de préciser «  commise sur Internet  ». Et depuis maintenant plus de treize ans, les juges condamnent les internautes qui leur sont présentés pour avoir piraté numériquement une œuvre protégée. Queneau (et ses Mille Milliards de poèmes ) en a été l’un des premiers «  bénéficiaires  », il y a déjà plus d’une décennie. En vertu d’Hadopi 2, la procédure serait désormais simplifiée : un juge unique, pas d’enquête. Bref, à bien y réfléchir, l’assurance d’un prétoire tournant au foutoir. Un seul exemple de futur argument pour la défense : «  Quelqu’un a piraté (sic) ma connexion Wi-fi, Monsieur le Juge ! ». Et le magistrat de s’avouer impuissant, faute d’éléments probants à son dossier. Sans compter que le Conseil Constitutionnel a censuré la possibilité de demander des dommages-intérêts par le biais de cette procédure. En clair, l’éditeur et l’auteur s’estimant lésés n’ont rien à gagner à se lancer dans une telle action. Au mieux, le match judiciaire va leur coûter des honoraires et se solder par la coupure éventuelle de l’abonnement de l’intéressé ainsi que le versement d’une amende… au profit de l’Etat.  
15.10 2013

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