18 novembre > Autobiographie France

Denise Desjardins- Photo DR

Très connue des amateurs français de spiritualités extrême-orientales (hindouisme et bouddhisme, mais pas exclusivement), Denise Desjardins est une femme d’exception, dans la lignée d’une Alexandra David-Néel. Née en Algérie, elle s’est forgé un caractère rebelle à cause d’une mère mal aimante. Venue vivre à Paris, elle se lance dans la peinture avec passion, art qu’elle pratiquera toute sa vie. S’intéresse, déjà, à la spiritualité, introduite en France par Gurdjeff et ses disciples dès les années 1920.

Et puis, en 1959, épisode fondateur, elle part vers l’Orient pour la première fois, avec son mari Arnaud Desjardins, lequel deviendra lui aussi l’un des grands passeurs français des sagesses asiatiques, et leurs deux enfants. Elle sillonne le continent, l’Inde surtout dont on peut considérer qu’elle n’est jamais vraiment « revenue ». Elle se choisit - ou est choisie par - deux gourous. Mâ Ananda Mayi, auprès de qui elle subit une rude initiation : «Nous étions arrosés d’encens, purificateur bien sûr,/Mais dont les saints effluves aggravaient/Diaboliquement la chaleur suffocante », raconte-t-elle aujourd’hui, non sans humour. Mais au terme de plusieurs jours de cet enfer, elle connaît une espèce de miracle, de révélation : «Une coulée d’énergie différente envahit l’être entier./Tout devint facile, sans contrainte. » Puis Swami Prajnânpad, qui lui enseigne le « lying », une technique de méditation et d’introspection qui tient à la fois de l’hindouisme et de la psychanalyse, qu’elle pratiquera et enseignera à son tour, notamment dans l’âshram auvergnat du Bost qu’elle crée en 1974 avec Arnaud. Evidemment, pourrait-on dire, elle a rencontré le dalaï-lama, à Dharamsala : « Un homme où s’alliaient grandeur, noblesse et simplicité. »

Aujourd’hui, à 90 ans passés, Denise Desjardins n’a rien perdu de son enthousiasme, de ses convictions. Même si, à la lire, elle se (et nous) pose plus de questions qu’elle ne fournit de réponses, conformément à la maïeutique bouddhiste. Auteure d’une quinzaine d’ouvrages où se mêlent « le voyage et l’ascèse », la philosophie, le lying et le développement personnel, elle reprend la plume pour raconter son itinéraire hors du commun, à sa façon : modestie, drôlerie, sincérité, style direct et sans fioritures. Mais cette autobiographie a une particularité : elle est écrite en vers libres, très parlés, comme si Denise Desjardins invitait le lecteur au coin de son feu pour lui livrer des confidences, lui transmettre son immense savoir. Il y a, dans la treizième et dernière partie du livre, « Le vieil âge », des passages aussi beaux qu’émouvants sur la vieillesse, les tourments du corps, la mort qui approche : « C’est la manière dont on a vécu sa vie entière/Qui permettra de l’affronter avec sérénité,/Si on a la conviction d’avoir fait ce que l’on avait à faire/Et d’avoir dirigé sa vie du mieux possible. » De Contre vents et années, Denise Desjardins affirme : « Ce sera mon dernier livre. » On espère que non, dans cette vie ou dans sa prochaine.

J.-C. P.

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