Le Code de la Propriété intellectuelle protège notamment « les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie ».
Rappelons que la loi du 11 mars 1957, ancêtre du CPI, exigeait des photographies un caractère artistique ou documentaire pour les faire bénéficier de la protection par le droit d’auteur. La loi de 1957 a été modifiée par celle du 3 juillet 1985 qui a supprimé ces conditions. Mais toutes les photographies prises entre le 11 mars 1958 et le 31 décembre 1985 suivent encore ce régime particulier et doivent donc présenter un caractère artistique ou documentaire pour être protégeables.
Le caractère artistique se révèle dans un traitement particulier de l’image : angle, lumière, cadrage, etc. Il n’est pas cependant sans entraîner des discussions doctrinales pour déterminer si la valeur esthétique doit primer sur une notion d’effort personnel. Quant au caractère documentaire, il est indéniable qu’il varie, par exemple, selon l’époque à laquelle la photographie est prise en compte. Le cliché de la première communion du pape François révélerait aujourd’hui un caractère documentaire bien plus probant qu’il y a quelques décennies. Ces deux caractères – artistique et documentaire – ont d’ailleurs donné lieu à de nombreux débats devant les tribunaux. Ces débats ont de moins en moins cours aujourd’hui.
Toutefois, les juges se posent souvent la question de l’originalité des photographies.
En effet, la condition d’originalité n’est pas expressément contenue dans le Code, mais est essentielle : il s’agit, selon la jurisprudence, de l’élément le plus indispensable à une protection par le droit d’auteur.
Les tribunaux assimilent l’originalité à « l’empreinte de la personnalité de l’auteur ». L’originalité, c’est donc la marque de la sensibilité de l’auteur, la traduction de sa perception d’un sujet, ce sont les choix qu’il a effectués qui n’étaient pas imposés par ce sujet. On peut aussi entendre par là l’intervention de la subjectivité dans le traitement d’un thème.
L’originalité n’est ni l’inventivité, ni la nouveauté dont il faut clairement la distinguer. Une image peut être originale sans être nouvelle : elle bénéficiera donc de la protection du droit d’auteur, même si elle reprend, à sa manière, un thème cent fois exploré. De même, une œuvre peut être aussi originale tout en devant contribution à une autre œuvre. Il en est ainsi des reproductions de bâtiments, de tableaux, etc. À la différence de la nouveauté, notion objective qui s’apprécie chronologiquement – est nouvelle l’œuvre créée la première –, l’originalité est donc une notion purement subjective. Dès l’instant qu’un cliché porte l’empreinte de la personnalité de son auteur, qu’il fait appel à des choix personnels, il est protégé par le droit d’auteur.
La Cour de cassation a statué, le 10 juillet dernier, sur les photographies prises par un chauffeur de car, à l’occasion de ses déplacements professionnels. Les magistrats on estimé que « les clichés litigieux se bornaient à reproduire les images de lieux visités, sites touristiques ou manifestations célèbres ». Or, ces photographies, reproduites sans autorisation dans un catalogue, n’avaient pour « objet que de reproduire une image fidèle des lieux visités ». Ils ont donc rejeté les demandes du chauffeur se proclamant auteur au sens de la loi.
Toutefois, il ne faut pas se leurrer sur la supposée banalité des photographies et tenter d’en tirer argument pour ne pas verser de droits à leur auteur. Seul le juge peut a posteriori, en décider ! Et même les reproductions d’œuvres à deux dimensions (des clichés d’œuvres d’art, par exemple) peuvent être aujourd’hui considérées comme originales et donc protégées par le droit de la propriété littéraire et artistique.