C’est encore l’un des nombreux avatars de l’affaire Etre et avoir (ce fameux documentaire, datant de 2002, qui retrace une année scolaire dans une classe unique du Massif Central) qui a donné lieu, le 12 mai dernier, à un arrêt de la Cour de cassation sur « l’inclusion fortuite d’ouvrages » de librairie dans un film documentaire… Rappelons que, avant cette énième décision, la justice a été notamment saisie des demandes de l’instituteur qui revendiquait des droits sur sa prestation dans le documentaire de Nicolas Philibert. Cette fois, ce sont des auteurs d’ouvrages pour la jeunesse qui, alléchés par l’incroyable succès du film, avaient décidé d’attaquer en contrefaçon au motif que des planches étaient visibles sans autorisation. Las, tant va la cruche à l’eau… La Cour de cassation souscrit à l’analyse des précédents juges et estime que les illustrations litigieuses sont « balayées par la caméra et vues de manière fugitive » et qu’elles « font corps au décor dont elles constituent un élément habituel. » Il faut dire que la même haute juridiction a déjà clarifié à plusieurs reprises sa position sur ce qui est aussi appelé l’« apparition à titre accessoire ». Toute reproduction d’une œuvre protégée nécessite en théorie une autorisation. Mais la jurisprudence a peu à peu développé une théorie dite de « l’apparition à titre accessoire » à propos des œuvres installées dans les lieux publics : sculptures, fresques, fontaines, etc. Aucun contrat n’est nécessaire si l’œuvre reproduite n’est pas le sujet principal de l’image, mais un des nombreux éléments qui figurent sur celle-ci. C’est aussi, par exemple, le cas de la photographie aérienne d’une ville, où apparaîtront inéluctablement ici et là quelques œuvres architecturales encore protégées par le droit d’auteur. Jusqu’ici, cette entorse au strict régime de la propriété littéraire et artistique restait en pratique très limitée. La loi du 1 er août 2006 est venue inscrire cette exception au cœur du Code de la propriété intellectuelle. Sans prendre en compte le cas de la reproduction d’une couverture de livre. Mais, dès le 12 juin 2001, la Cour de cassation avait infléchi sa position, dans un sens favorable aux éditeurs. Les magistrats ont en effet définitivement rejeté les prétentions de la société Campagne Campagne à l’encontre des éditions Atlas. L’agence photographique reprochait « l’utilisation, dans un film publicitaire, de la couverture d’un ouvrage sur lequel figurait une photographie de paysage (…), alors qu’une telle présentation de l’œuvre constituait une reproduction et une représentation non autorisées, seul le droit de reproduction sur la couverture du fascicule ayant été cédé ». Les magistrats ont estimé que « l’apparition de la photographie dans le film était accessoire par rapport au sujet, qui était la présentation publicitaire de l’ouvrage ». Les mêmes juges se servent de la même rhétorique pour, cette fois, donner tort aux milieu de l’édition et l’empêcher de demander à l’encontre d’un film ce qu’il se permet dans un livre….