7 janvier > Essai Japon > Tanizaki Jun’ichirô

Publié au Japon en 1933, à l’origine en feuilleton dans un mensuel, ce qui explique que les chapitres rebondissent d’un sujet à l’autre, des toilettes aux laques, du bol de soupe à l’or des tissus ou des statues, de la beauté des éphèbes du théâtre nô à celle des samouraïs de l’ancien temps, ou encore à la différence de couleur de peaux entre les Orientaux et les Occidentaux, pourtant tous blancs, Louange de l’ombre est un texte majeur dans l’œuvre de Tanizaki Jun’ichirô, fondamental pour comprendre son esthétique. A la fois vif et drôle, et moderne.

Pourtant, non sans humour, le très grand et très contesté auteur japonais, bien qu’il n’ait été âgé à l’époque que de 47 ans, et qu’il ait encore eu trente-deux ans devant lui pour écrire ses chefs-d’œuvre (notamment son roman La mère du capitaine Shigemoto, paru en 1950), le présentait comme "une fantaisie d’écrivain", les "jérémiades" d’un "vieux" qui déplore que le Japon succombe à l’influence occidentale (comprenons : américaine) et renonce à quelques-unes de ses meilleures traditions pour adopter des mœurs inappropriées. Non point parce que Tanizaki rejette le progrès, mais parce que, selon lui, son pays est celui du "clair-obscur", des chandelles et non de l’éclairage électrique, de la patine et du jade opaque, du pinceau et non du stylo, du bois et non de la céramique, du métaphysique plutôt que du clinquant. Même "la cuisine japonaise est faite pour être méditée". Le ton est familier, direct, les exemples savoureux, voire coquins, et cette dénonciation, dès 1933, du gaspillage énergétique par les sociétés occidentales ou occidentalisées juste prophétique. J.-C. P.

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