Une femme se remémore la mort de l'homme aimé. Une nuit, tout bascule... Son monde s'effondre de façon imprévisible. Pour éviter de sombrer, elle essaye d'entrer par effraction dans ce corps qu'elle connaissait par cœur. Mais la réalité est là, inexorable. Nathalie Léger éprouve alors le besoin de se libérer de cette « pensée carcérale » en déployant ses ailes littéraires. Le deuil, l'absence, l'impuissance forment ici un menuet presque muet. On se croirait, par moments, dans La pensée magique, de Joan Didion ou dans le mythe d'Orphée. Face à Thanatos, on est forcément perdant. « Chacun essaie de s'en sortir comme il peut par le déni, la violence, le repli, la magie. » Or le manque est terrible, indescriptible. Personne ne peut le comprendre, puisque nul ne le vit de la même manière. D'autant qu'il vaut mieux l'exprimer dignement. Flaubert n'écrivait-il pas : « Douleur. La véritable est toujours contenue. » Pourtant, elle envahit le moindre recoin du quotidien. Impossible d'échapper à une absence aussi omniprésente. Nathalie Léger a révélé un jour, « ce qui pour [elle] mobilise l'écriture, réparer ». Une mission parfaitement accomplie dans ses portraits de Samuel Beckett ou Barbara Loden, mais également dans son roman magnifique La robe blanche, sur l'artiste Pippa Bacca. Ici, elle prend une dimension plus intimiste.
En injectant de l'encre sur la surface plane du papier, l'auteure a choisi de redonner vie à celui qui peuple toujours son être. « Faire de lui, lui. » Comment survivre, si ce n'est par l'écriture, par la force des mots pour « creuser un couloir tangent à la vie ». Celle-ci palpite dans chaque souffle, chaque souvenir rappelle que le disparu est toujours là, sous une forme diffuse.
On est à nouveau saisi par la beauté de sa plume, qui va à l'essentiel. Une lecture orale rend ce monologue poignant encore plus palpable et universel. Nathalie Léger raconte parfaitement cette chute intérieure, contre laquelle elle ne lutte pas forcément. Un livre tout en pudeur, « un composé de silence et d'effervescence ». Pour sauver son âme, elle brandit « la vie à bras-le-corps, l'élan de la vie, à jamais », telle une ultime déclaration d'amour. « On sait peu de vérités, mais celle-là, celle de l'amour, on la sait. »
Suivant l'azur
P.O.L
Tirage: NC
Prix: 11 € ; 80 p.
ISBN: 9782818051184