Qu’est-ce qu’une vache, qu’est-ce qu’une banque, qu’est-ce qu’une horloge, qu’est-ce que le plaisir de manger du chocolat ? Bienvenue dans la philosophie suisse. Ou plutôt dans la manière d’envisager la philosophie à partir d’un étonnement sur des choses éminemment helvétiques qui vont du linguiste Anton Marty à Roger Federer. C’est un peu Aristote expliqué selon Gotlib par des spécialistes d’Aristote avec des dessins de Babar.
Olivier Massin et Anne Meylan, de l’université de Genève, ont réussi à faire de ces douze questions apparemment saugrenues un véritable cours de philosophie. Ainsi, le "Qu’est-ce qu’un trou dans l’emmental ?" nous entraîne dans l’œuvre de l’écrivain allemand Kurt Tucholsky, qui expliquait qu’il n’y a de trou que là où il n’y a rien… Le lecteur sera tout aussi surpris de trouver dans ce collectif Alain de Libera, nouveau titulaire de la chaire d’histoire de la philosophie médiévale au Collège de France, discuter de Jean Buridan pour répondre à la question "Qu’est-ce qu’une fondue ?".
Tout cela a l’air léger, mais c’est très profond, un peu surréaliste aussi comme les cartes postales de Plonk et Replonk. C’est en tout cas une bonne initiative, non seulement pour redonner goût à la vraie philo, celle qui pense, et pas seulement à faire votre bonheur dans l’heure, mais pour rappeler qu’on peut dire des choses essentielles à partir de questions banales.
C’est aussi une façon de montrer la métaphysique en action, de voir comment les philosophes s’y prennent pour aborder un problème, bibliographie à l’appui. Car à chacune des questions posées, une solution est évidemment proposée. Allez, on ne résiste pas à vous donner celle concernant la fondue. "Une fondue parfaitement homogène est telle que le vin et le fromage en sont des parties non spatiales : une fois mélangés, le vin et le fromage cessent d’avoir une localisation. Seule la fondue est dans le caquelon." En Helvétie, le cogito est fromager. Laurent Lemire