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Jean-Philippe Mocci : « Pour la première fois depuis la création de Leha, je n’irai pas aux Utopiales »

Jean-Philippe Mocci, fondateur des éditions Leha, le 6 mars 2024 à Paris - Photo DR

Jean-Philippe Mocci : « Pour la première fois depuis la création de Leha, je n’irai pas aux Utopiales »

Alors que le festival des Utopiales 2024, rendez-vous international de science-fiction, donne son coup d'envoi, Jean-Philippe Mocci dresse le bilan de l'année en cours aux éditions Leha : leurs nouveautés, leurs valeurs sûres. Il explique aussi pourquoi il ne participera pas cette année au rendez-vous nantais, très critique sur les conditions d'organisation du prix des Utopiales.

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Par Antoine Masset, Charles Knappek
Créé le 30.10.2024 à 15h15 ,
Mis à jour le 30.10.2024 à 22h01

Livres Hebdo : Comment se passe l’année 2024 pour Leha ?

Jean-Philippe Mocci : L’année 2024 est un peu particulière pour Leha avec le lancement de notre collection poche « Majik ». Son succès, associé à l’engouement pour John Gwynne dont nous publions actuellement deux séries de fantasy « classique », en fait une année positive. Notre production globale augmente mais il faut en effet distinguer le grand format qui diminue un peu de notre collection poche « Majik » qui aura proposé 11 titres en 2024 pour son année de lancement ! C’est un enjeu très important pour une petite maison d’édition, qui nous a pris beaucoup de temps et d’énergie et dont le résultat est très satisfaisant. Nous sommes très heureux de l’accueil de « Majik » tant sur l’appréciation de la collection elle-même que sur ses ventes.

La progression générale de la romantasy se répercute-t-elle sur votre économie ?

Cela peut sembler un peu paradoxal à l’heure où la romantasy prend en effet de plus en plus de place sur les tables des librairies. Je crois que notre positionnement clairement affiché d’éditeur imaginaire avec un goût très prononcé pour cette fantasy « classique » avec des auteurs comme Steven Erikson, John Gwynne et Brian McClellan… nous sert aujourd’hui. Nous ne retournons pas notre veste pour nous précipiter vers la romantasy et restons fidèles à un genre qui nous est cher, les lectrices et les lecteurs ainsi que les libraires le constatent. Si notre place sur les tables des librairies demeure pour les œuvres anglo-saxonnes, c’est en revanche plus compliqué pour les auteurs français ; il y a clairement des arbitrages qui se jouent face à la vague de la romantasy.

Quelle est l’évolution de votre chiffre d'affaires cette année ? Vos meilleures ventes ?

Notre chiffre d'affaires progresse légèrement grâce au succès de « Majik », mais cette hausse sera limitée, vu que nous sortons moins de grands formats cette année en raison de ce lancement… Les deux séries de John Gwynne (Le livre des Terres Bannies et La Confrérie du Sang) tirent nos ventes en grand format et en poche avec des ventes qui approchent les 4 000 exemplaires pour plusieurs tomes depuis le début de l’année. Les « Majik » de Pierre Bordage, Brian McClellan ou Kendare Blake fonctionnent aussi très bien. Exode, notre dernier grand format sorti le 29 août, un roman fondateur très attendu de Philippe Tessier dans l’univers post-apocalyptique de Polaris (où l’humanité doit se réfugier sous les océans après que la Terre est devenue invivable au sens premier du terme), démarre assez fort. C’est un livre qui aurait pu tenter sa chance pour la sélection du prix des Utopiales, car il colle parfaitement ; malheureusement, l’organisation totalement lunaire et défaillante du prix cette année l’a littéralement sacrifié.

Pourquoi un tel mécontentement envers le prix des Utopiales ?

L’organisation de ce prix a été problématique tant sur le fond que sur la forme. Sur le fond, le processus de sélection laisse dubitatif, avec un choix de deux titres maximum offert aux éditeurs selon leurs désirs pour concourir… puis un délai très court de sélection imposé aux libraires qui devaient en quelques jours choisir cinq livres parmi tous les titres proposés par les éditeurs, y compris des titres à paraître sans épreuves existantes, bref si j’en crois leurs nombreux retours, ils n’ont pas apprécié du tout la situation et on se demande comment ils ont pu procéder sereinement à leur sélection.

« Les Utopiales semblent vouloir prendre un nouveau tournant »

Ce sont d’ailleurs des libraires qui nous ont alertés sur l’absence de Leha dans les envois de la première sélection, et pour cause, les Utopiales nous avaient tout simplement oubliés ! Certes ils nous ont permis ensuite de concourir mais trop tard dans le processus, les jeux étaient faits. L’année où nous sortons Polaris – Exode, de la SF sous-marine aux fortes thématiques sur le climat qui rentre parfaitement dans le cadre du prix du festival, dommage… Nul ne sait s’il aurait pu être sélectionné parmi les cinq finalistes et peu importe, les livres retenus sont tous bons, mais cet oubli a tué ses chances, et ce n’est visiblement pas le seul bug qu’il y a eu sur l’organisation de ce prix.

Quels sont les autres problèmes que vous avez observés ?

Au-delà, les Utopiales semblent vouloir prendre un nouveau tournant, qui s’est illustré par le changement de direction artistique. En soi, pourquoi pas, si c’est le souhait de l’organisation qui dirige le Festival, même si on peut regretter que le départ de la déléguée artistique Jeanne A-Debats se soit fait dans des conditions qui auraient pu être mieux gérées, mais je dois dire que la sélection d’un quatuor pour la remplacer est une idée que je trouve assez baroque. Une direction artistique, c’est en général une voix, une tonalité, une personnalité, et on se doute bien que cela ne peut pas vraiment être le cas à quatre... De plus, y intégrer une maison d’édition (Yann Olivier, des éditions de L'Atalante, ndlr), quels que soient son sérieux et sa probité (ce qui est bien le cas ici), c’est prendre le risque de créer un malaise potentiel. Les Utopiales sont un grand festival et on y rencontrera cette année encore de grandes autrices et de grands auteurs, mais pour la première fois depuis la création de Leha, je n’y irai pas.

Quels sont vos enjeux de la fin de l'année ?

Nous avons un livre d’Olivier Martinelli qui paru fin septembre, Le Livre des cendres. C'est de la fantasy épique très marquante par les thèmes qui y sont abordés. Nous avons aussi deux « Majik » et le dernier tome du Livre des Terres Bannies de John Gwynne qui est lui aussi très attendu.

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