« Depuis la naissance de notre monde, 107 milliards de personnes ont vécu et sont mortes. À l'heure actuelle, 7,6 milliards d'entre elles sont vivantes. » Leur rêve : l'immortalité. Une quête qui ne date pas d'hier. Tant de mythes tentent de ressusciter les morts, tant de scientifiques désirent repousser les limites de l'humain. « L'humanité ne supporte que peu de réalité. La réalité ne peut supporter trop d'humanité. C'est pour cela que nous inventons des histoires. » C'est par une soirée particulièrement pluvieuse que Mary Shelley en invente une qui demeure dans l'imaginaire collectif. Nous sommes à Genève, en 1816. Une bande d'amis s'est réunie pour refaire le monde. Elle se compose notamment du poète Byron et du couple Shelley. Mary aime son mari, « il est ma demeure », mais ils ont du mal à partager leurs douleurs. Endeuillée par la perte de plusieurs enfants, elle s'interroge sur la mort et la façon de la défier. Jusqu'à présent, seule l'imagination a ce pouvoir. Ainsi, Mary fait naître Frankenstein, créature inoubliable qui échappera à son créateur.

Sa consœur anglaise, Jeanette Winterson, se glisse aisément dans ses pas. Célèbre pour Les oranges ne sont pas des fruits ou Le sexe des cerises, elle aime se pencher sur les mystères du corps. Point d'exception ici, puisque c'est bien le corps désirable, manipulable et déshumanisé qui est en jeu. C'est pourquoi l'auteure a eu l'idée de transposer la version originelle de Mary Shelley à l'époque actuelle. « Le monde est à l'aube de quelque chose de nouveau », que ce soit les poupées sexuelles ou l'intelligence artificielle. Un domaine auquel va se frotter Ry Shelley. Ce chirurgien transgenre se perçoit comme étant « liminal, en marge, entre-deux émergent, indécis, transitionnel, expérimental, un start-upper de [s]a propre vie. » C'est dans une ambiance post-Brexit et transhumaniste que sa route croise celle de Victor Stein. Il travaille à un projet inédit pour améliorer l'humanité, qui nécessite des membres amputés. Aux amants terribles de jouer. Mary Shelley était persuadée que « nous sommes nos propres peurs. Ce qui m'a terrifiée moi en terrifiera d'autres... ». La réalité risque de dépasser la fiction. Sera-t-il possible d'atteindre l'immortalité ? « Comme disent les bouddhistes : la vie c'est maintenant. »