17 août > Roman France > Jean-Michel Delacomptée

Aux échecs, la dame est la pièce la plus puissante. Son sacrifice pour obtenir le mat est donc un coup aussi excitant que risqué. De ce jeu il est évidemment question dans ce roman historique aux accents de conte philosophique. Avec une langue soutenue, Jean-Michel Delacomptée nous entraîne dans un passé crépusculaire, celui d’une Renaissance vue d’Europe centrale, au temps de Louis II de Hongrie, à un moment où son territoire est menacé par l’Empire ottoman.

Dans le comitat de Paks, une province imaginaire du royaume, règne Gabor, seigneur aviné, grotesque et grand joueur d’échecs. Sa femme Livia est une mégère détestée par son peuple. Judit, leur fille unique, voudrait bien remplacer son père et tuer sa mère. Les échecs, dont elle aussi est experte, vont lui donner cette occasion. Elle bâtit alors un projet démoniaque dans une fin de partie mémorable.

Essayiste réputé, Jean-Michel Delacomptée circule volontiers de livres en livres dans le Grand Siècle, celui de Saint-Simon, de Bossuet et de La Boétie. Il aime la saveur des mots, le sens de la couleur, de l’étoffe et du mystère. Il y a un peu de tout cela dans ce Sacrifice des dames qui conjugue le baroque et le cruel. C’est un peu Machiavel chez Dracula, alias Vlad l’Empaleur, le pourpoint débraillé au bord d’un Danube pas si bleu.

Le titre joue évidemment sur l’ambiguïté entre la tactique aux échecs - les amateurs peuvent d’ailleurs rejouer la partie grâce au diagramme fourni - et le véritable sacrifice dont nous ne dirons rien. Si ce n’est qu’il est à la hauteur de l’enjeu. Laurent Lemire

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