Sous le titre Au bistrot après minuit sont réunis des articles d'un correspondant étranger basé à Paris dans les années 1930, et qui tendent au public français, à travers cette traduction inédite, un miroir édifiant. Le journaliste est également écrivain. « Persan » à Paris, ce juif autrichien le sera chez lui aussi par la farce tragique de l'histoire. Joseph Roth s'exile en 1933 dans cette Ville Lumière où il meurt à la veille de la Seconde Guerre mondiale, loin de sa chère Mitteleuropa cosmopolite qui aura sombré dans le cauchemar nazi. Tout le charme de ces courts textes tient au fait que sous la plume de l'homme de presse vibre la sensibilité du romancier. L'objectivité journalistique cède le pas à la subjectivité assumée : l'auteur de La marche de Radetzky parle volontiers à la première personne. Errance au fil des troquets, critique de film, publicité qui envahit la ville, visite au Musée Grévin... aux tableaux vivants du Paris d'avant-guerre il mêle l'analyse. Comme celle, par exemple, de la situation des Juifs de l'Est immigrés en France, pas encore assombrie de ce côté-ci du Rhin, qui « vivent à Paris comme en pays de Cocagne ». Mais c'est encore son art du portrait qui fait notre miel, sa façon de peindre les gens ordinaires ou l'atmosphère : tel artiste de cirque qui avait choisi cette profession parce qu'elle correspondait le mieux à son statut de juif errant, telle scène tristounette comme tirée d'une pantomime d'une vie d'exilé : « L'apatride a pris mes journaux. Il va les lire dans le bon restaurant pas cher. Devant moi, la table est vide. »
Au bistrot après minuit Traduit de l'allemand par Pierre Deshusses
Bibliothèque Rivages
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 15 € ; 12 p.
ISBN: 9782743653095