Julien Bucci met en scène le pilonnage des livres en bibliothèque

photo du spectacle © Guillaume Vanhee/Jean-Christophe Blanquart

Julien Bucci met en scène le pilonnage des livres en bibliothèque

L'auteur et comédien propose une brève comédie pour dépassionner la mise au pilon des livres. Entretien.

avec sp Créé le 15.04.2015 à 20h04

Au pilon ! est un monologue d'une demi-heure où l'auteur et interprète Julien Bucci fait le procès d'ouvrages trop vieux, abîmés ou pas assez empruntés, destinés au pilon. Le spectacle a déjà été monté une quinzaine de fois, principalement dans des bibliothèques du nord de la France.

Julien Bucci, qui est également directeur artistique de la compagnie Home Théâtre (basée à Hellemmes, près de Lille), répond aux questions de Livres Hebdo.

Livres Hebdo. Qu'est-ce qui vous a amené à créer ce spectacle ?

Julien Bucci. J'ai écrit ce texte en octobre 2010 pour la médiathèque d'Haubourdin, près de Lille. Pour ses journées portes ouvertes, la médiathèque souhaitait sensibiliser le public aux métiers du livre, jusqu'à l'étape du désherbage. Elle a donc fait appel à moi pour réaliser un spectacle de fiction. Je me suis documenté sur les critères Ioupi, méthode pour sélectionner les livres «incorrects, ordinaires, usés, périmés, inadéquats».
La forme de cette pièce judiciaire est néanmoins légère, le but étant de dédramatiser le désherbage et surtout la mise au pilon. Par exemple, à un moment, un livre de la collection «Harlequinon» est jugé, et je pastiche le style kitsch de ce type d'ouvrage.

LH. Quelles sont les réactions du public ?

J. B. Le désherbage est une question sensible, pour les professionnels comme pour les lecteurs. C'est une tendance actuelle dans les bibliothèques, qui permet notamment que l'oeil du lecteur puisse respirer ou que les rayons ne soient pas trop hauts pour les personnes à mobilité réduite. Pour autant, des spectateurs de la pièce sont outrés par le fait que des livres partent au pilon. Cela est dû au fait que les livres de bibliothèque appartiennent d'une certaine façon à tout le monde, et qu'ils ont une dimension symbolique forte : ils incarnent un moment de vie et sont donc moins faciles à jeter. Ainsi, lors d'une représentation en Belgique, une dame m'a dit : «Il existe près de Namur un lieu-refuge pour les vieux livres. Cela me fait du bien de savoir qu'ils sont là-bas.» A chaque rencontre, je ressens ce débat. C'est une question passionnante et complexe, qui questionne notre rapport au matériel.

LH. Ce spectacle est-il engagé ?

J. B. Je ne pense pas prendre parti pour ou contre le pilonnage, car je veux justement dépassionner la chose. A la fin de la pièce, je dénonce cependant - via la réplique d'un avocat en colère - la surproduction éditoriale. Il y a un ultra-libéralisme dans ce domaine. Or, pour les bibliothèques, un livre qui rentre équivaut à un livre qui sort. En fait, quand un livre est vraiment en mauvais état, il faut objectivement le jeter. En même temps, je trouve cela beau qu'un livre ait une seconde vie. Dans ce spectacle, je veux surtout montrer mon amour pour les bibliothèques.
15.04 2015

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